Tout le monde s’accorde à dire qu’on ne peut pas continuer avec un parc de logements en mauvais état qui ruine ses habitants et le climat. Sa rénovation massive et rapide s’impose mais comment faire pour éviter que cela ne se traduise par davantage de spéculation, de gentrification et d’expulsions? Il y a déjà tant de personnes dans la rue, et d’autres incapables de faire face aux frais et aux difficultés que cette rénovation implique.
La crise du logement abordable se généralise en Europe : loyers à la hausse, factures énergétiques imprévisibles, logements insalubres, personnes isolées, problèmes de santé mentale, respiratoires, cardiovasculaires, etc. Au même moment, notre parc de logements, mal isolé et fortement dépendant du gaz et du mazout, est responsable de 15 % des émissions belges de gaz à effet de serre.
Un Pacte Logement Énergie pour renforcer le droit au logement et la transition énergétique
Les organisations sociales et environnementales de la Coalition Climat se sont mises autour de la table pour construire un Pacte Logement Énergie, reconnaissant ainsi la nécessité de lier les deux défis : un pacte qui vise à la fois des bâtiments décarbonés et moins énergivores, ainsi qu’un accès pour toutes et tous à un logement décent et abordable. La rénovation sera juste, ou ne sera pas.
Ce Pacte comprend 40 revendications. Au cœur de notre message : s’il faut viser en priorité les logements les plus énergivores, cela ne peut se faire sans soutenir les propriétaires et les locataires précarisés, seuls devant les difficultés d’une indispensable rénovation. Ces difficultés ne sont pas uniquement financières. Un meilleur accompagnement pour guider pas-à-pas les candidats et candidates à la rénovation doit être davantage organisé par les pouvoirs publics. Et le financement des rénovations pour des propriétaires fragilisés doit aussi devenir une préoccupation, parce que le système actuel basé sur les primes profite en priorité aux personnes les plus nanties qui ont pourtant la capacité de se lancer dans de telles démarches (complexité, préfinancement, etc.). Le pacte propose des solutions telles que l’octroi de prêts de long terme “liés à la pierre” qui permet de limiter les effets d’aubaine, un tiers investisseur public ou encore dans certains cas un préfinancement sur mesure jusqu’à 100% des travaux… D’autres modes de financement innovants sont à l’étude.
Le Pacte va plus loin et demande une réelle prise en compte des locataires dans les politiques publiques de rénovation. Pour la Coalition climat, la rénovation énergétique ne peut être une source d’exclusion supplémentaire ou de renforcement des inégalités déjà existantes entre locataires et propriétaires. En moyenne, à Bruxelles, les loyers augmentent de 20% tous les 10 ans en plus de l’indexation. D’un autre côté, le parc de logement est en très mauvais état : rappelons que l’interdiction temporaire, en Wallonie et à Bruxelles, d’indexer les loyers des logements à PEB très faible a concerné près de 75% des locataires.
Pas de rénovation sans encadrement du marché privé
Sans obligation de rénovation, les propriétaires continueront de mettre sur le marché des passoires énergétiques. Sans régulation des loyers, ceux qui rénoveront chercheront à rentabiliser rapidement leur investissement. Un scénario à éviter absolument : en Irlande, des propriétaires bailleurs, après avoir reçu des primes dans le cadre d’un plan national de rénovation, ont doublé les loyers ! Une mesure politique de régulation des loyers est indispensable pour que les logements rénovés restent abordables. Sans encadrement, les augmentations de loyer mènent à des « réno-expulsions» et des formes de gentrification verte.
Le logement public et coopératif au coeur des enjeux
Pouvoir se loger dignement est un droit fondamental qu’il revient à l’Etat de garantir. D’où une indispensable révision de la politique de logements sociaux : 56 000 ménages sont actuellement en attente d’un logement social à Bruxelles, avec un délai d’attente de 8 à 17 ans ; plus de 42 000 le sont en Wallonie. Et nombreux sont celles et ceux qui n’osent même plus se porter candidats. Aussi, l’Etat doit-il, sans attendre, augmenter le parc de logements sociaux et le rendre exemplaire sur le plan énergétique. Cela peut être fait en s’appuyant sur des logements privés ou encore en dissociant la propriété du sol et du bâti (modèle du Community Land Trust).
Des enjeux collectifs
Arrêtons d’artificialiser les sols, et encourageons la rénovation plutôt que la construction neuve. C’est un problème collectif. La logique individuelle n’est plus suffisante, analyse le Pacte. De même, des rénovations collectives et l’accompagnement par des plateformes de rénovation existent et se réalisent, à l’échelle d’immeubles, de rues, de quartiers. Elles permettent des économies d’échelle et un effet d’entraînement mais devraient être avantagées fiscalement, pour aller plus vite et plus loin.
Le Pacte préconise enfin que toutes ces mesures fassent partie d’un plan d’action prioritaire, impliquant des investissements massifs et des réformes. Pour avoir accès aux fonds européens (ETS 2), la Belgique doit développer un plan social climat. Nous revendiquons d’y inclure les mesures du Pacte. La nécessité est absolue, pour les générations actuelles et futures.
Lien vers le Pacte Logement Energie : https://klimaatcoalitie.be/wp-content/uploads/2023/09/20230926-FR-Policy-briefing-Pacte-Logement-Energie.pdf
Signataires
Coalition climat (coalition de plus de 90 organisations de la société civile)
Rassemblement Wallon pour le Droit à l’Habitat
Fédération des Services Sociaux
Inter-Environnement Bruxelles
Rassemblement des Associations de Promotion du Logement
AMA – Fédération des Maisons d’Accueil et Services d’Aides aux Sans-Abris
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