Resa ter et les outils de planification

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Le 2 juin dernier, le décret dit Resa ter[[Décret de relance économique et de simplification administrative]] a été publié au Moniteur belge. Ce texte modifie substantiellement le CWATUPE : ce sont pas moins de 71 articles du Code qui sont concernés par cette réforme !

Petit zoom sur deux points essentiels de la réforme touchant aux outils de planification…

Le Rapport urbanistique et environnemental : utile mais hybride…

Le décret donne au rapport urbanistique et environnemental (RUE), actuellement requis pour la mise en ½uvre des ZACC[[Zone d’aménagement communal concerté]], le statut d’outil d’aménagement à part entière. Ce « nouvel » outil complète utilement l’arsenal des documents d’aménagement institués par le CWATUPE. Il semble en effet opportun de créer un outil d’orientation pour encadrer l’aménagement de zones locales. Le RUE nouvelle mouture semble en outre complémentaire au plan communal d’aménagement (PCA), dans la mesure où il permet notamment de travailler sur des zones dont l’évolution ne peut être figée dans un document réglementaire en raison de la taille de la zone ou des incertitudes qui pèsent sur son devenir par exemple. Il correspond d’ailleurs indéniablement à un besoin ; la preuve en est que le schéma directeur (parfois rebaptisé « masterplan ») qui a pourtant disparu du Code depuis plusieurs années continue à être utilisé aujourd’hui… Enfin, il y a lieu de se réjouir également de voir que l’initiative de l’élaboration d’un RUE est désormais réservée au Conseil communal et au Gouvernement.
Néanmoins, le texte tel qu’adopté pose des problèmes majeurs concernant ce RUE.

Nomenclature portant à confusion

Si l’on peut comprendre le souci de ne pas créer un nouvel outil, l’appellation « rapport » prête à confusion. Les outils d’orientation existant dans le CWATUPE actuellement étant appelés « schémas », il aurait semblé plus clair et plus cohérent d’appeler le nouvel outil d’orientation local « schéma » également, affirmant ainsi la parenté avec le schéma de développement régional (SDER) à l’échelle régionale et le schéma de structure communal (SSC) à l’échelle communale.
Notons au passage que le texte prévoit que le RUE, tout comme le PCA, peut faire l’objet d’une demande d’exonération d’évaluation environnementale lorsque le projet n’est pas susceptible d’avoir des incidences non négligeables sur l’environnement et qu’il porte sur une petite zone locale. Il paraît pour le moins étrange d’exonérer un rapport urbanistique et environnemental d’évaluation environnementale… Ce paradoxe souligne toute l’ambiguïté de l’outil.

Pas d’obligation de recourir à un bureau agréé

Le texte adopté ne confie pas l’élaboration du RUE à un bureau d’étude agréé par la région wallonne. Vu la complexité des enjeux, il aurait pourtant semblé judicieux d’imposer le recours à des bureaux expérimentés, regroupant les différentes compétences nécessaires tant en urbanisme et qu’en environnement.

Contenu : pas de schéma d’aménagement

Pour encadrer valablement l’aménagement de zones locales, il est indispensable que le RUE contienne un schéma d’aménagement traduisant spatialement les options urbanistiques. Le contenu tel que décrit dans le CWATUPE ne le demande pas explicitement. Or, l’urbanisme ne peut pas se faire qu’avec des mots : le passage par le schéma oblige à la synthèse et engage davantage que les textes, plus facilement soumis à interprétation.

Le RUE un document d’orientation permettant de s’écarter d’un plan d’aménagement

Le RUE est un défini comme un document d’orientation. Or, le nouveau décret indique que, lorsque le RUE suggère de s’écarter, pour partie, d’un plan d’aménagement, le Conseil communal peut solliciter l’autorisation du Gouvernement d’établir un « PCA révisionnel » permettant, comme son nom l’indique, de réviser le plan de secteur (voir ci-dessous). Cette disposition n’est pas opportune dans la mesure où le RUE couvrant une partie du territoire communal seulement n’est pas porteur d’une vision d’ensemble. L’existence d’un RUE ne garantit dès lors pas le respect de l’économie du plan de secteur et ouvre ainsi la porte à une augmentation de la zone urbanisable.

La révision des plans de secteur par PCA révisonnel

Le décret institue un PCA « révisionnel » (PCAR) permettant de réviser le plan de secteur lorsque « le nouveau zonage constitue une réponse à des besoins dont l’impact, les enjeux et les incidences peuvent être rencontrés par un aménagement local ou qu’il existe un schéma de structure communal ou un rapport urbanistique et environnemental approuvé par le Gouvernement qui vise l’hypothèse et définit le périmètre d’un PCA ». L’avant-projet prévoit en outre, la possibilité pour un particulier de solliciter la réalisation d‘un tel PCA pour répondre à des besoins économiques. Enfin, il prévoit l’élaboration d’une liste des PCA révisionnels établie par le Gouvernement. Cette disposition est insuffisamment encadrée et constitue une menace sérieuse pour l’économie territoriale.

Viol de la hiérarchie des normes
Notons d’abord que cette disposition viole le principe de la hiérarchie des normes : un plan inférieur – le PCA – ne peut déroger à un plan supérieur – le plan de secteur- que dans la mesure où il en respecte l’esprit. Dans son avis, le Conseil d‘Etat a clairement mis en avant cette faille mais le législateur n’en a pas fait grand cas…

Révisions au coup par coup et augmentation de la zone urbanisable

Ce mécanisme de révision par PCA va induire des révisions «au coup par coup », sans aucune vision d‘ensemble et va nécessairement provoquer une augmentation de la zone urbanisable. Le risque est d’autant plus grand de voir le territoire totalement déstructuré par une telle mesure que la compensation n’est pas strictement planologique et que la possibilité d’initier un PCA « révisionnel » est, dans certains cas, ouverte à toute personne physique ou morale, privée ou publique. Comme expliqué précédemment, la définition d’un périmètre devant faire l’objet d’une révision via PCAR dans un schéma de structure communal ou, bien plus encore, dans un rapport urbanistique et environnemental (RUE), est particulièrement inopportune dans la mesure où elle ne garantit pas le respect de l’économie de plan de secteur.

Une liste oui, mais sans procédure d’élaboration et sans critères

L’élaboration d’une liste des PCAR par le Gouvernement constitue une balise intéressante. Néanmoins, le décret ne prévoit aucune procédure, ni aucun critère pour guider le choix des zones pouvant être révisées par PCA et ne garantit dès lors en rien la vision supra locale nécessaire.

Jeter le bébé avec l’eau du bain

Les procédures préexistantes à savoir la révision de plans de secteur et le PCA dérogatoire balisé par les critères de l’article 48, limitant dans les faits la dérogation par PCA à une superficie de 15 hectares maximum, étaient bien plus à même de maîtriser le développement territorial dans l’intérêt collectif à court, moyen et long terme.
S’il est vrai que la procédure de révision des plans de secteur est parfois exagérément étendue dans le temps (7 ans de moyenne), il semble que cette lenteur ne soit pas imputable aux seules procédures. Avant de modifier en profondeur l’architecture des outils d’aménagement du territoire, il aurait sans doute été utile d’identifier les différents blocages générant de tels retard et de réfléchir à des solutions, et ce sans nécessairement remettre cause les outils existants.

Il y aurait bien d’autres points à aborder et bien d’autres choses à dire sur les points abordés ici, tant cette réforme est foisonnante… Concernant les RUE, si les intentions sont louables, le manque de rigueur du texte, qui se lit jusque dans le choix d’une dénomination ambiguë ou dans la manière dont la description du contenu et la procédure s’insèrent dans le Code, compromet la bonne utilisation de l’outil. Les PCAR quant à eux, donnent une mauvaise réponse à une bonne question : comment faire évoluer le plan de secteur, en bien des lieux obsolètes ? L’absence totale de balise laisse craindre le pire…

La position complète ici

Canopea