RESAIII courbe la tête devant le Conseil d’Etat

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Coucou qui revoilà ? RESA III !!! Rappelez-vous : dans notre numéro 45 , nous avons eu l’occasion de fournir une copieuse analyse de ce « décret de relance économique et de simplification administrative. Nous en faisons à nouveau une analyse critique : textes bâclés, structure logique déficiente, principes élémentaires du droit battus en brèche, …
Et, sur cette base, nous émettons nos souhaits pour la nouvelle législature.

Difficile de résumer en quelques mots l’ensemble des réformes voulues par ce décret qui touche de façon essentielle l’aménagement du territoire et l’urbanisme wallon. Rappelons seulement qu’il est question de remplacer l’actuel permis de lotir par un permis d’urbanisation, document dont la valeur réglementaire ne dure que le temps de la construction des lots, et qui ne devrait plus obligatoirement comprendre la division en lots du bien concerné. Par ailleurs le décret en projet vise à instituer des plans communaux d’aménagement (PCA) de même niveau que le plan de secteur (on les appelle déjà les PCA révisionnels), ce qui permettrait de réviser ce dernier sans passer par la procédure actuelle, considérée comme longue et ardue.

Silence on légifère…

Ce décret, s’il est voté, sera le seizième (16, oui !!!), depuis le début de la législature, à modifier de façon substantielle le Code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et du patrimoine (CWATUP). Dans un tel contexte, l’enjeu du texte en projet n’est pas seulement l’opportunité des réformes qu’il est censé mettre en ½uvre, c’est autant sinon plus la lisibilité du Code et sa cohérence logique. Car aujourd’hui déjà, le CWATUP, manipulé au quotidien par un grand nombre de personnes au premier rang desquelles les fonctionnaires communaux et régionaux, en désespère plus d’un tant il est devenu difficile de débroussailler ce texte doté d’une structure de plus en plus complexe et d’une sémantique de plus en plus incertaine.

Consolation, nous ne sommes pas les seuls à nous en agacer. Manifestement la moutarde monte aujourd’hui au nez de la section de législation du Conseil d’Etat. Morceaux choisis : A maints égards, le texte manque singulièrement de la clarté, de la précision et de la rigueur que requiert un texte destiné à produire des effets de droit. Les principes de la technique législative ont été manifestement négligés pour ne pas dire ignorés. (…) Certaines dispositions sont rédigées en des termes très approximatifs, ou même parfois dénués de sens (…). Effectivement, c’est la logique même dans laquelle on légifère aujourd’hui qui interpelle, et le RESA III en fournit des exemples qui confinent à la caricature.

La hiérarchie des normes

Premier fait, les principes élémentaires d’une démocratie parlementaire semblent échapper au candidat législateur. Ainsi en va-t-il, par exemple, de la hiérarchie des normes, qui vise à éviter que deux règles de même valeur s’appliquent au même objet, avec le risque qu’en cas de divergence, plus personne ne puisse dire laquelle des deux s’applique. Ce principe se traduit, notamment, par la préséance des arrêtés régionaux sur les arrêtés communaux. En d’autres termes, un plan communal ne peut jamais avoir même valeur qu’un plan de secteur ; il ne peut que s’y conformer, ou y déroger et, dans ce cas, la dérogation doit rester mineure et respecter l’esprit de la règle.

Patatras ! Derrière cet important volet de la réforme, c’est une bonne part du « plan prioritaire » n° 2 qui vole en éclat ! Ce « plan prioritaire » vise à créer 4000 hectares de zones économiques nouvelles ou d’extension de zones existantes, pour satisfaire la demande des intercommunales ; les cartes et fiches de ces futures zones ont été transmises au Gouvernement l’été dernier. Cela en fait des dossiers ! Alors le Gouvernement avait imaginé de répartir la tâche : la Région conduirait les dossiers des zones nouvelles par révision de plan de secteur, tandis que les Communes se chargeraient des extensions, créées par plan communal, sur plusieurs dizaines d’hectares au besoin. Le Conseil d’Etat vient de siffler la fin de cette récré… Aussi le nouveau « plan prioritaire », dont le public n’a d’ailleurs pas encore vu le bout du nez, n’est-il pas près de ressortir des cartons…

Urbaniser sans définir les lots ?

Le permis d’urbanisation en prend lui aussi pour son grade. Il partait pourtant de bonnes intentions. Actuellement, il est difficile d’abolir les prescriptions des permis de lotir alors que certaines, datant des années ’60 ou ’70, n’apparaissent plus du tout pertinentes aujourd’hui. En outre, le prédécoupage du quartier en lots a souvent pour effet une normalisation des parcelles et donc une banalisation de la composition urbanistique. Pour éviter ces problèmes à l’avenir, le projet de décret RESA III institue un permis fondé sur des orientations urbanistiques sans que le découpage en lots soit obligatoire. Les prescriptions en seraient réglementaires sur tout lot non bâti, et deviendraient indicatives si tôt le lot bâti. Mais il y a évidemment un problème logique à abolir le caractère réglementaire lot par lot si les lots ne sont pas définis à l’avance ! En outre, observe le Conseil d’Etat, un texte n’est fondamentalement pas rédigé de la même façon selon qu’il soit de nature réglementaire ou qu’il constitue un document de simple orientation. Les dispositions permettant à un tribunal de trancher un litige ne s’écrivent évidemment pas dans les mêmes termes que les lignes-guides destinées à conduire l’inspiration des auteurs de projet.

D’autres points encore, et ils sont nombreux, sont relevés par le Conseil d’Etat. Recul du stand-still (extension de la dispense d’avis préalable du fonctionnaire-délégué, à des actes qui ne sont pas de minime importance), confusions diverses (telles dispositions sont non contraignantes mais dans son avis de légalité le fonctionnaire-délégué est tenu de vérifier que les travaux y sont conformes), les travers touchent tant la structure logique du texte que sa rédaction.

Nos espoirs pour la prochaine législature

Que tirer de tout cela ? Sans doute faudrait-il que dans un accès de modestie, les Ministres et leurs cabinets réalisent qu’on ne s’improvise pas législateur, du moins pas sans acquérir préalablement un minimum de notions de base. Mieux vaut comprendre la Constitution avant de s’aventurer sur le terrain de la rédaction des textes, et avoir fait un peu de légistique pour rédiger une disposition proprement. Mais surtout, ceux qui ont à gouverner nos Etats ne devraient–il pas prendre quelques heures pour réfléchir aux grands principes qui fondent nos démocraties ? A force d’y donner un coup de canif par-ci et un autre par-là, plus par inculture que par mauvaise volonté, ceux qui aujourd’hui sont pétris de bonnes idées et de bonnes intention ne font-ils pas le lit d’autres qui, peut-être, viendront derrière eux avec des intentions moins louables ? Aucune démocratie ne s’écroule tant que ses fondations sont solides. Mais lorsqu’un Parlement est miné dans sa crédibilité (par exemple, parce qu’il s’est donné pour tâche de ratifier des permis dont il ne maîtrise pas le contenu), lorsque les citoyens vivent dans l’iniquité (par exemple parce que leur dossier est traité par d’autres voies que celui du voisin), lorsque les règles environnementales ou sociales avancent et reculent au gré des dossiers, les populistes n’ont plus beaucoup d’énergie à dépenser pour se hisser au pouvoir…

Bref, il serait bon que nos futurs gouvernants s’abstiennent désormais de légiférer sur la table du dimanche midi, entre la poire et le fromage, en poussant juste un peu de la main les miettes de la baguette qui accompagnait le repas familial. Il serait bon que les réformes soient mûrement réfléchies avec la participation de ceux qui auront à les appliquer (même s’ils n’ont pas la même couleur politique, ayons l’audace de le dire) ; et que le bon sens remplace désormais les consultants aux prestations coûteuses dont les compétences, certaines par ailleurs, ne permettent visiblement pas d’assurer la qualité des textes lorsque les compromis politiques sont venus se superposer aux effets de la précipitation.

Tels sont nos espoirs pour la prochaine législature…

Canopea