Ce 20 septembre, la Commission européenne a publié sa feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation durable des ressources. Objectif : transformer l’économie européenne en une économie efficace en terme de ressources. Mais, s’il n’est pas suivi d’instruments règlementaires effectifs, ce document risque de ne rester qu’une liste de bonnes intentions. Par ailleurs, si cette économie efficace se fait sur le dos des pays du Sud disposant des ressources en question, le terme « durable » sera totalement galvaudé. Explication.
Contribuant de manière essentielle à notre qualité de vie, les ressources naturelles sont aussi à la base du fonctionnement de l’économie européenne et mondiale. Elles englobent non seulement les matières premières comme les combustibles, les minéraux et les métaux mais aussi les produits alimentaires, le sol, l’eau, l’air, la biomasse et les écosystèmes. Toutes partagent aujourd’hui le même schéma: elles subissent des pressions de plus en plus en fortes.
Au cours du XXe siècle, le monde a multiplié sa consommation de combustibles fossiles par 12 et l’extraction des ressources matérielles par 34. Aujourd’hui, dans l’Union Européenne, seize tonnes de ressources sont consommées par an par personne (contre 4 en Inde par exemple). Six sont purement et simplement gaspillées, la moitié prenant directement la direction des décharges. Si les tendances actuelles se maintiennent, la population mondiale devrait avoir augmenté de 30% d’ici à 2050 pour atteindre 9 milliards de personnes. La demande mondiale de denrées alimentaires, d’aliments pour animaux et de fibres pourraient grimper de 70% d’ici 2050, alors que 60% des principaux écosystèmes de la planète où sont produites ces ressources sont déjà dégradés ou exploités de façon non durable. Si nous continuons à utiliser les ressources au rythme actuel, ce sont plus de deux planètes qui seraient nécessaires pour subvenir à nos besoins, et nombreux sont ceux qui ne pourront dès lors pas réaliser leurs aspirations d’une vie meilleure. Un rapport du PNUE, publié au mois de mai de cette année, résumait déjà ces éléments et montrait qu’indiscutablement, le temps des ressources abondantes et bon marché est désormais révolu. Et pas plus tard que ce 27 septembre était désigné comme Overshoot Day, soit le jour où nous, Terriens, avons épuisé ce que la planète a mis, cette année, à notre disposition !
Face à ces constats, la Commission Européenne a décidé de prendre les choses en main et de définir un plan d’action pour remédier à cette situation. La feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources en est la première concrétisation. Elle définit les grandes orientations pour les années à venir dans les domaines de l’économie, de la consommation et de la production durable, des déchets, du soutien à la recherche et l’innovation, de la suppression des subsides dommageables à l’environnement, des services écosystémiques, de la biodversité, des minéraux et des métaux, de l’eau, de l’air, du sol et des ressources marines. Elle propose aussi de s’attaquer au problème des denrées alimentaires, d’améliorer le batiment et d’assurer une mobilité efficace.
Petit focus sur la réorientation de la production et la consommation vers des modes plus durables: outre le fait qu’elle permette en général de réaliser des économies nettes directes, elle contribue également à stimuler l’utilisation efficace des ressources ce qui, à son tour, peut accroitre la demande de produits et services plus économes en ressources. La Commission se propose donc de mettre des informations précises, reflétant les incidences tout au long du cycle de vie et les coûts réels de l’utilisation des ressources, à disposition des consommateurs. Elle constate également que ces derniers peuvent faire des économies en évitant de gaspiller et en achetant des produits qui durent ou qui peuvent facilement être réparés ou recyclés. Enfin, de nouveaux modes entreprenariaux, dans lesquels les produits sont loués au lieu d’être achetés, peuvent satisfaire les besoins des consommateurs moyennant une utilisation moins importante de ressources sur l’ensemble du cycle de vie des produits. Concrètement, la Commission souhaite prendre des mesures concrètes en terme:
− de renforcement des critères pour les marchés publics écologiques ;
− de définition d’une approche méthodologique commune pour mesurer, afficher et comparer les performances environnementales des produits, services et entreprises sur base d’une analyse du cycle de vie ;
− de réduction de l’empreinte écologique des produits, notamment en fixant des exigences dans le cadre de la directive relative à l’écoconception et en l’étendant aux produits non liés à l’énergie ;
− de fourniture d’informations sur l’empreinte écologique des produits aux consommateurs, notamment en empêchant l’utilisation d’affirmations trompeuses ;
− de mise en réseau et d’échange des meilleures pratiques entre les agences gérant des programmes relatifs à l’utilisation efficace des ressources pour les PME.
Oui, mais…
Si ce prémisse d’une politique européenne sur les ressources naturelles dégage des pistes de ce qu’elle pourrait atteindre, il n’en reste pas moins que la définition d’objectifs précis, ainsi que leur traduction en texte légaux, contraignants est indispensable pour réduire la consommation des ressources naturelles.
Par ailleurs, certaines questions sont mal posées dans l’approche actuelle de la Commission, alors que d’autres sont complètement absentes. La croissance économiques est-elle réellement indispensable au bien être? N’est-il pas illusoire de prôner une consommation raisonnée sans même envisager une remise en cause du modèle publicitaire, qui n’a de cesse de nous voir consommer encore et encore, imposant l’idée que le bonheur n’est lié qu’à l’avoir? Par ailleurs, nombre de consommateurs pensent acheter des produits « durables » (dans le temps), et sont bien dépités quand l’obsolescence programmée fait rendre l’âme à leurs produits, désormais conçus pour ne pas être réparables, ou à un prix tellement exorbitant qu’il n’est envisageable pour nombre d’entre eux que de racheter un nouveau produit. Il ne s’agit pas tant de responsabiliser les consommateurs dans ce cas que d’obliger les fabricants à modifier leurs pratiques !
Derniers éléments – mais non des moindres – : le bien-être des habitants des pays consommateurs de ressources est mis en avant, mais qu’en est-il des habitants pays d’où sont extraites ces ressources ? La corde passée autour du cou par la Commission, qui exige qu’ils s’engagent à abandonner ou à limiter drastiquement les « restrictions aux exportations » sous peine de voir les aides aux développement supprimées (on appelle ça de la diplomatie des matières premières), les pays les plus pauvres deviennent de simples pourvoyeurs de matières premières, sans tenir compte de leur intérêts ou ceux de leur population. Un appel a été lancé par les organisations de la société civile européenne, à l’initiative du réseau Seattle to Brussels, pour [ [mettre l’Union Européenne et sa politique commerciale hors d’état de nuire ]]. Possibilité concrète de soutenir ce mouvement: la signature de la pétition en ligne « Non aux nouveaux privilèges des entreprises – Changeons la politique européenne d’investissement maintenant ! » destinée aux parlementaires européens !
Et l’Europe le sait que les risques en tous genre sont le lot quotidien des populations vivant dans des régions riches en ressources naturelles, elle qui vient de publier le dernier rapport relatif à son programme de recherche relatif à la modelisation des liens entre la présence de ressources naturels et l’apparition de conflits armés…[[Armed Conflicts and Natural Resources,
Jan Kucera, Mayeul Kauffmann, Ana-Maria Duta, Ivette Tarrida Soler, Patrizia Tenerelli,
Giovanna Trianni, Catherine Hale, Lauren Rizzo and Stefano Ferri,
Scientific report on Global Atlas and Information Centre for Conflicts and Natural Resources
Research and Innovation: new modelling results link natural resources and armed conflicts
The JRC has developed a statistical modelling tool which allows the risk of conflict occurrence in developing countries to be analysed. Combining online news reports with geographical satellite data, the tool establishes a link between natural resources and the risk of conflict. A key advance is the very detailed scale of the data (most being gathered to the square kilometre) and the fact that the modelling is based on the seriousness of the conflicts. When tested, the model successfully identified the correlation between resource-rich areas of land and occurrence of conflict. This approach has potential use in the European Commission’s development aid planning and crisis prevention.]]
Extrait de nIEWs n°97,
la Lettre d’information de la Fédération.
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