A force de chercher des astuces pour restaurer la biodiversité ou tempérer les îlots de chaleur, le constat s’impose : des toitures vertes et des fermes verticales ne suffiront pas. Là où il y a encore du sol découvert, non bâti : laissons-le tranquille ! Le vrai combat du Stop Béton, c’est la pleine terre. Avec la balise n°8 du Stop Béton, nous pouvons réinventer les continuités rompues entre espaces naturels, avec des aménagements et un management moins tape-à-l’oeil. pour protéger les sols, les eaux souterraines et les espèces vivantes (nous y-compris).
Pour rappel, les huit balises du Stop Béton sont :
- l’accessibilité piétonne et en transports en commun : « Pourquoi marcher ? »
- l’accessibilité aux cyclistes et aux PMR : « Fini les coupures »
- l’échelle humaine : « Échelle humaine, en direct du Décodage à Herstal »
- le paysage bâti et non bâti : « Faire attention au paysage »
- le réemploi des matériaux et la restauration des bâtiments : « Rénover au lieu de démolir »
- les aménités existantes : « Stop Béton : les aménités »
- les activités économiques existantes
- la végétation et les espaces verts en place – les continuités entre espaces naturels
A pieds joints sur la 8e balise
La nIEWs « Stop Béton : les aménités » illustrait la 6e balise du Stop Béton. Suite logique, nous devrions à présent arriver à la 7e balise. Cependant, les mesures de précaution liées à la situation sanitaire ont décalé le calendrier des Décodages sur le terrain. C’est seulement en novembre 2020 que pourra avoir lieu le Décodage qui expliquera les divers rôles des activités économiques vis à vis du « Stop Béton ». La nIEWs consacrée à cette 7e balise viendra compléter la visite de terrain (Décodage à Soignies le 17 novembre 2020 de 10 à 16h – inscriptions auprès de j.debruyne (at) iew.be).
Nous sautons donc à pieds joints sur la 8e balise : la végétation et les espaces verts en place – les continuités entre espaces naturels.
Que propose IEW pour mieux comprendre l’enjeu de la pleine terre ?
La balise n°8 n’y va pas par quatre chemins : pour protéger nos sols, il ne suffit pas de ne pas construire.
- Si l’on veut des villes et des villages neutres en carbone, il faut y laisser s’épanouir parcs, jardins et espaces verts à hauteur de 80% de leur surface. Cela signifie maintenir la végétation qui est déjà en place et la développer. Surtout pas supprimer des parcs et des jardins ! Surtout pas supprimer les dernières terres agricoles en ville et dans la périphérie ! Surtout pas remplir à tout prix les dents creuses, qu’elles soient le long des routes et au bord des chemins de campagne, ou entre deux immeubles en milieu urbanisé.
- Si l’on veut éviter que la pleine terre de nos potagers, de nos terres agricoles et de nos forêts devienne un désert écologique et une menace permanente pour les nappes phréatiques, il faut se passer d’intrants chimiques et de pesticides. Il est primordial de décloisonner les enjeux agricoles, économiques, de la santé publique et de la biodiversité, en reconnaissant les liens indissociables entre une société humaine saine et une planète en bonne santé.
“Le vrai combat, c’est la pleine terre”. Les arbres ont besoin de profondeur, eux aussi. Manifestation en Aveyron (France), septembre 2019. Photo Laurent Olives.
- Si l’on veut transformer les surfaces agricoles, les bois et les espaces verts urbains en vrais maillons d’une trame verte, il faudra beaucoup de gestes individuels et collectifs. Chacun compte, chacun fera une petite différence.
- Haies vives, composées d’espèces locales en mélange et de spécimens d’âges différents
- Agroforesterie
- Forêt familiale (rassemblant une grande variété de strates, d’espèces et d’âges)
- Combinaison de cultures, mélange de variétés sur une même parcelle
- Cultures en mosaïque, moins étendues, moins monospécifiques
- Moins de tontes ; s’il y a tonte ou fauchage, ramasser les végétaux coupés
- Terres couvertes de cultures en continu pour protéger le sol
- Moins de labour
- Vergers hautes-tiges
- Des toitures vertes sur les toits plats, et même sur les abribus
- Des plantes en pot valent mieux que pas de plantes du tout
- Tout ce qui est à la marge compte aussi : talus, fossés, lisières, berges, rigoles.
Quels gestes sont à notre portée ?
La 8e balise passe par la perception et l’interprétation, pour ensuite s’engager dans des démarches de transformation.
1. Le premier geste à faire passe par le regard.
Apprendre à regarder au-delà de l’image globale (« Ah, quel beau paysage », 6e balise du Stop Béton) pour se concentrer sur les éléments perceptibles qui composent ce tableau et tenter de comprendre, à travers eux, les mécanismes invisibles qui sont à l’œuvre : mécanismes naturels, mécanismes politiques, micro-climats, incivisme, parcellaire, emprise des infrastructures, méthodes agraires, marché immobilier, mécanismes fiscaux, prescriptions urbanistiques, etc. Tous ces mécanismes ont des incidences visibles sur le paysage global et local.
2. Le deuxième geste, ce sont les responsabilités à prendre pour transformer ces mécanismes.
Dans le détail de chaque mécanisme se cachent des possibilités d’améliorer la situation de la biodiversité. En prêtant attention aux mécanismes qui modèlent le vert qui nous entoure, nous pouvons repérer de nouveaux leviers pour agir en faveur de l’environnement. L’objectif est d’amener chaque mécanisme à respecter la biodiversité en identifiant les niveaux de responsabilité.
Des citoyens de tous bords agissent déjà pour la biodiversité à leur échelle et secouent régulièrement le cocotier politique pour appeler à des changements à l’échelon supérieur dans la fiscalité, dans l’usage des sols, dans la commercialisation des espèces végétales et animales, par exemple. Il faut poursuivre dans la même direction en n’ayant pas peur de la complexité.
L’image globale (« Ah, quel beau paysage », bis) bénéficiera au centuple de ces améliorations ponctuelles. Nous gagnerons en richesse esthétique, j’en fais le pari séance tenante.
Afin d’illustrer le combat de la pleine terre dans toute sa variété, voici la preuve en images qu’il est possible d’agir à tous les niveaux : un exemple consternant de macadamisation d’un jardin pour faire une place de parking.
Avant/ après : étrange combien l’espace a l’air plus riquiqui une fois étanchéifié, n’est-ce pas ?
“Retrouver les sols, c’est les envisager comme des êtres vivants. Le retour de la nature en ville ne se traduit pas par un verdissement des surfaces, mais par le fait de considérer l’urbain dans un écosystème, renversant les hiérarchies en vigueur et adoptant une forme de frugalité pour sa gestion (eau, air et sols)
Retrouver les sols, c’est refuser de penser de façon fragmentée, mais au contraire de lier les choses entre elles. Les sols sont l’espace entre les choses, les lieux de confrontations et de débats entre les acteurs pluriels. Ils dictent des règles qui garantissent le vivre et le faire ensemble.”
Patrick HENRY, https://dixit.net/nb/agir-pour-et-avec-les-sols-urbains
Dans cet excellent article paru sur dixit.net en avril 2020, Patrick Henry rappelle que « les sols urbains doivent aussi bénéficier de nos attentions ». Le champ de bataille pour la pleine terre ne s’arrête pas à la ceinture verte de nos agglomérations. Les habitants des centres ont aussi le droit de respirer. Pour atténuer les îlots de chaleur créés par l’asphalte des voiries, il est capital de préserver des espaces découverts, de pleine terre, avec un ombrage naturel, fait d’arbres, de haies et d’arbustes. Il est vital de laisser en place les arbres âgés et les buissons plutôt que d’installer des nouveaux sujets bien manucurés. Il faut laisser la pluie et la neige entrer dans les jardins goutte à goutte, au lieu de contribuer à saturer l’égouttage. « Méprisés et considérés comme les stricts supports de nos activités et de nos édifices, les sols urbains doivent aujourd’hui être reconsidérés comme le substrat de nouvelles pratiques urbaines. »
C’est pourquoi, pour explorer la 8e balise sur le terrain, IEW organise le 29 septembre 2020 un Décodage dans la commune de Leuze-en-Hainaut. L’endroit n’a pas été choisi au hasard : à Leuze, petite ville dense en milieu rural, il y a une pâture juste à côté de la gare. Le Décodage explicitera des notions complexes telles que mitage des terres agricoles, drainage, trames verte et bleue, trame minérale, haies indigènes, monoculture, restauration de la biodiversité, mutation des activités agricoles, végétalisation. L’objectif est de comprendre ce qui se cache derrière les apparences. Qu’est-ce qui constitue tout ce vert ? Les mécanismes à l’œuvre sont-ils favorables à la biodiversité ?
Le rendez-vous du 29 septembre 2020 affiche déjà complet, puisque le nombre de participants est limité à douze personnes. IEW aura peut-être l’occasion de reproduire cet événement, qui rencontre clairement un très grand intérêt des citoyens.
Deux autres Décodages au programme (ou trois?)
IEW a programmé deux autres visites de terrain en aménagement du territoire :
- Rixensart, le mardi 27 octobre 2020 de 10 à 16h – Densité et mixité, récapitulation des 8 balises du Stop Béton [COMPLET]
- Soignies, le mardi 17 novembre 2020 de 10 à 16h – Balise n°7 « Les activités économiques existantes »
Un Décodage de terrain devrait avoir lieu en décembre 2020, à Leuven. Le focus sera mis sur la densité et la mixité comme à Rixensart, avec un objet d’étude radicalement différent. Nous vous tiendrons informés.
Les rencontres du Stop Béton cet automne
Suite à la publication de son dossier « Stop Béton », IEW s’est donné pour projet d’organiser en 2020 une série de rencontres citoyennes décentralisées. Il s’agit de réunions de trois heures, en salle, où toutes les précautions seront prises par rapport aux exigences sanitaires en vigueur.
Ces rencontres sont coorganisées avec nos associations membres, très motivées par le thème du « Stop Béton ». Elles seront ouvertes aux citoyens, novices ou aguerris sur le sujet, en particulier aux membres des CCATM.
L’objectif est de donner aux participants l’occasion de s’exprimer sur le concept du Stop Béton, de s’approprier les 8 balises d’IEW, pour devenir plus autonomes par rapport aux projets locaux.
Il ne s’agit donc pas de la venue d’un « expert » IEW qui viendrait donner son avis et résoudre des problématiques locales… Ces réunions sont cruciales pour récolter des informations de terrain sur les situations vécues au niveau local et sur les motivations des citoyens à travailler sur le Stop Béton, et pour alimenter le plaidoyer de la fédération au niveau régional.
Pour toute information complémentaire, Cécile de Schoutheete vous tiendra au courant du calendrier des réunions, lorsqu’il sera fixé : c.deschoutheete(at)iew.be