Prendre son destin en main ou subir les chocs ? Écouter les alertes scientifiques et anticiper ou commencer à réagir au milieu de la tempête ? Changer de cap ou relancer la machine de plus belle ? La crise du COVID nous rappelle l’importance de poursuivre d’autres objectifs que la croissance illimitée du PIB.
Nos économies sont actuellement soumises à un choc externe important. Suite à un manque d’anticipation, à une trop faible réactivité pour prendre en compte les alertes scientifiques au moment où elles devenaient plus précises, nos économies ont dû être mises presque totalement à l’arrêt en urgence. A peu près tous les secteurs économiques sont touchés, de manière indiscriminée. Nous allons vers une récession au niveau mondial. Et les conséquences sociales pourraient être désastreuses si les états n’interviennent pas massivement et dans un esprit de préservation du bien commun.
Arrêtons de scier la branche sur laquelle nous sommes assis
Le choc économique que nous avons commencé à subir ne doit cependant pas être confondu avec l’idée d’une sortie volontaire d’un modèle visant prioritairement la croissance du PIB. Au contraire : qu’il s’agisse de la propagation du COVID, du changement climatique ou d’autres menaces systémiques telles que la perte de biodiversité, c’est en arrêtant suffisamment tôt nos comportements « propagateurs de crises » qu’il est possible de limiter les dégâts. On l’a clairement vu dans le cas du COVID, les réticences initiales de plusieurs décideurs face aux mesures à prendre étaient fréquemment ancrées dans une vision priorisant la croissance économique à court terme.
Si une partie des défenseurs de l’environnement plaident pour abandonner l’objectif politique de croissance illimitée, c’est précisément parce que cet objectif nous mène droit dans le mur : c’est en son nom que l’on développe le transport aérien et le pétrole de schistes, que la publicité nous oriente vers toujours plus de consommation, que l’on bétonnise nos champs pour les transformer en contournements routiers ou en centres commerciaux. Quand on recherche la croissance à tout prix, toute activité est bonne à prendre, fût-elle destructrice pour la planète et ses habitants.
Dans un scénario à 3°C de réchauffement, le GIEC met en garde contre les risques de destruction d’écosystèmes majeurs, de dommages économiques menant à une augmentation forte du taux de pauvreté au niveau mondial, de réduction générale du bien-être humain par rapport au niveau de 2020. Les politiques suivies jusqu’ici nous mènent dans cette direction ; elles sont très loin d’avoir intégré les alertes scientifiques.
On ne peut réduire la pollution sans réduire les activités polluantes, on ne peut préserver la planète tout en accélérant ce qui la détruit. Face à la lenteur des efforts de verdissement technologiques – bien nécessaires, mais dont les modestes gains restent largement contrecarrés par l’augmentation de la consommation –, la crise actuelle rappelle ce chemin direct et largement ignoré politiquement : il faut réduire nos excès.
Réévaluons le sens de nos actions
Cette crise nous montre aussi que les activités qui apparaissent comme essentielles aujourd’hui ne sont pas celles qui étaient vues comme des priorités politiques ou économiques il y a quelques semaines à peine. La valeur des choses n’est pas reflétée par leur prix.
C’est pour éviter la débâcle généralisée, pour éviter la récession subie et indiscriminée avec tout son lot de souffrances, qu’il faut, tant qu’il en est encore temps, faire décroître de manière ciblée les activités polluantes ou destructrices. Ceci en mettant en place un accompagnement social, en permettant aux travailleurs et aux entrepreneurs de se réorienter vers le nécessaire développement des secteurs qui nous permettront de vivre durablement sur cette planète, d’agir solidairement et de mieux encaisser collectivement certains chocs inévitables. Cela s’appelle la transition juste. Et l’enjeu mérite un débat non caricatural.
Mais il faut aller vite, car les mesures de soutien sont actuellement discutées et doivent être priorisées. Prenons un exemple : est-ce le rôle de l’Etat d’injecter de l’argent public dans les compagnies aériennes en difficulté, ou doit-il d’abord s’assurer d’un financement suffisant des services de transport public ? Ces derniers ont vu leurs recettes baisser fortement, or leur redéploiement sera nécessaire pour nous mener vers une mobilité durable.
Pour réaliser les inévitables arbitrages, il nous faut une boussole. Et la boussole de la croissance illimitée n’est sans doute plus celle qui nous mène sur le chemin d’une prospérité durable. La nouvelle boussole devra intégrer les limites de la planète. Elle devrait aussi viser à permettre à tous ses habitants de vivre dignement. De plus en plus de voix se manifestent pour définir de nouveaux chemins de vie prospère, harmonieuse et en phase avec l’environnement. Saisissons ce momentum !