L’adoption du décret climat wallon il y a quelques semaines constitue une étape importante dans la lutte contre les changements climatiques. Pour rappel, ce décret fixe les objectifs de réduction de gaz à effet de serre pour deux horizons spécifiques : -30 % d’ici 2020 et de -80 à -95% en 2050. Le décret institue aussi le mécanisme qui encadre ces objectifs, principalement des « budgets carbone » quinquennaux ou quantité de GES que la Wallonie pourra émettre sur cinq ans. Les budgets pour les périodes 2013-2017 et 2018-2022 sont déjà fixés dans le décret. Le budget global est réparti en budgets sectoriels qui défini l’effort de réduction que chaque secteur (industries, résidentiel, tertiaire, agriculture, …) devra fournir.
Inter-Environnement Wallonie salue l’ambition du Gouvernement wallon mais relativise le caractère ambitieux de l’objectif de -30% en 2020 puisque d’après les projections, sans politiques supplémentaires (scénario de référence), la Wallonie aura réduit à cette échéance ses émissions de 24% par rapport à 1990. Par contre, à l’horizon 2050, le défi est de taille. Le rythme de réduction des émissions doit atteindre en moyenne -4 ,5% par an sur la période 2008-2050 alors qu’entre 1990 et 2008 la réduction des émissions était en moyenne de 0,7% par an.
Par ailleurs sans mesures concrètes ou plan d’actions pour mettre en œuvre la politique de ses ambitions, les objectifs que la Wallonie s’est fixée pourraient n’être que du vent. A chaque période budgétaire correspond ainsi un plan wallon « climat » qui propose une série de mesures sectorielles pour respecter les budgets alloués.
Le nouveau plan wallon Air-Climat-Energie qui couvre la première période budgétaire est enfin prêt, rendant opérationnelle cette stratégie climatique. Plan qui, on l’espère, sera transversal et percolera ainsi à travers les différentes politiques wallonnes. Si comme le Ministre Henry le déclare à la presse « il faut des évolutions radicales pour atteindre nos objectifs à l’horizon 2050 », on peut craindre que le présent plan, tremplin vers 2020, n’amorce que timidement les ruptures nécessaires dans nos habitudes de vie.
Certains secteurs connaissent une réduction spectaculaire de leurs émissions depuis 1990 : -42% dans la production d’électricité et distribution de gaz naturel, -44% dans l’industrie (en partie à cause ou grâce – c’est selon- à la crise économique et à la fermeture de sites fortement émetteurs). Par contre, les émissions du secteur tertiaire en développement (+46% d’émissions entre 1990 et 2010) et du secteur des transports (+43%) évoluent de façon alarmante. Dans ce dernier secteur, si les axes d’actions définis sont les bons (agir sur les besoins en mobilité – en les réduisant, promouvoir le transfert modal et améliorer la performance environnementale des véhicules), ceux-ci doivent être priorisés pour y allouer les moyens nécessaires aux solutions les plus efficientes et aux effets durables. Au vu des choix d’investissement de la SNCB et de la difficulté avec laquelle la Wallonie pourra obtenir de quoi maintenir et étendre ses capacités ferroviaires, on peut douter de l’ambition du plan wallon air-climat-énergie : -4% de réduction d’émissions par rapport à 1990 ou -25% d’émissions par rapport au scénario de référence !
Le secteur agricole et le tourisme sont clairement sous-investis en termes de potentiel de réduction. En agriculture, il n’y a par exemple pas de politique ayant des incidences notoires sur les pratiques culturales et l’utilisation des intrants. Une transition bas carbone doit être une opportunité pour repenser nos filières agro-alimentaires. Aucune mesure ne vise à développer et promouvoir les circuits courts ou à réduire (même un peu) la consommation de viande… Quant à l’aménagement du territoire, levier plutôt discret dans ce plan même si ce n’est pas un secteur à proprement parlé, il est nécessaire que ce plan s’articule et soit cohérent avec les politiques qui visent à freiner l’éparpillement (et ses conséquences en termes d’émissions qui lui sont associées).
On s’interroge aussi sur le financement de toutes ces mesures. On sait que les revenus de l’ETS (crédits carbone) alloués à la Wallonie devront être utilisés en priorité pour la mise en œuvre de mesures de réduction des émissions. Ce qui implique un large éventail de créneaux à soutenir : développement des énergies renouvelables, efficacité énergétique, accompagnement des entreprises dans l’amélioration de leurs procédés, adaptation au changement climatique… sans oublier la promesse de contribuer au financement international… Au vu de l’état actuel du marché carbone, il est impératif d’explorer de nouvelles voies de financement, notamment un transfert de fiscalité.
En outre, il faut garder à l’esprit que ce plan se cantonne aux émissions produites sur le territoire wallon. Or pour s’attaquer au défi climatique mondial, il est indispensable d’avoir une réflexion sur la quantité de CO2 que nous importons par les biens (depuis les denrées alimentaires jusqu’aux panneaux solaires en passant par tout les appareils électroniques par exemple) et services produits à l’étranger. C’est en relocalisant nos émissions pour mieux les maîtriser qu’une transition bas carbone globale sera possible (et source d’opportunités pour les territoires).
La Fédération Inter-Environnement Wallonie reviendra plus longuement sur les mesures de ce plan wallon Air-Climat-Energie lors des consultations organisées dès la rentrée.