Après d’âpres discussions entre Etats membres, les pays de l’UE se sont enfin mis d’accord sur les procédures et le calendrier des stress tests effectués sur les 143 réacteurs nucléaires que compte l’Union.
A la lumière des tragiques évènements de Fukushima, les pays de l’UE avaient unanimement pris la décision de tester la résistance des centrales nucléaires face à divers périls. C’est bien le « divers » qui a suscité de vifs débats puisque certains pays, appuyés par le Commissaire à l’Energie, réclamaient les tests les plus exhaustifs, comprenant également les risques de crash aérien, d’attentats et autres actes de sabotage. La France, la Grande-Bretagne, quant à eux défendaient les premières recommandations du WENRA, qui se limitaient à tester la résistance des centrales aux stress occasionnés par des catastrophes naturelles.
Cette fois, un accord est tombé par lequel différents scénarios seront étudiés.
Les situations de crises retenues pour les tests sont :
1. les catastrophes naturelles : séismes, inondations, températures extrêmes, tempêtes, tornades et autres conditions météorologiques extrêmes.
2. les défaillances et actes découlant des activités humaines: crashes aériens, explosions à proximité de la centrale, incendies. Les conséquences qui pourraient survenir suite à des actes terroristes seront investiguées dans ce cadre.
3. la prévention d’actes terroristes et autres actes de sabotage : l’analyse de ces menaces sur les centrales sera prise en charge par un groupe d’experts (en matière de sécurité nationale, de piratage informatique, etc.). Ce groupe de travail rendra un rapport parallèle, qui ne devrait pas être rendu public en raison de la sensibilité du sujet.
Un autre point qui sera scrupuleusement évalué est la capacité des générateurs de secours des centrales en cas de coupure d’approvisionnement du système pendant plusieurs jours.
Il faut préciser également que les régulateurs nationaux peuvent eux-mêmes spécifier certains points auxquels les tests doivent se conformer en allant, si l’Etat membre le souhaite, au-delà des exigences minimales demandées par la Commission.
Les stress tests devront débuter d’ici juin et procéderont en 3 étapes.
Premièrement, les opérateurs de centrales devront se soumettre à un questionnaire détaillé sur la façon dont la centrale réagirait lors des différentes situations étudiées. Ce sont les études d’ingénierie qui étayeront les réponses apportées par les opérateurs. Cette étape doit être clôturée pour le 15 août 2011.
Seconde étape, chaque régulateur national sera chargé de vérifier la crédibilité des réponses fournies par les opérateurs. Les régulateurs nationaux produiront à leur tour des rapports pour le 31 décembre au plus tard.
In fine, les différents rapports seront passés en revue par un comité de pairs (« peer review ») composé par les régulateurs européens (membres de l’ENSREG) et un représentant de la Commission européenne. Ce comité sera autorisé à visiter les centrales si nécessaire. Le rapport final est attendu pour avril 2012.
Tous les rapports nationaux ainsi que les conclusions de la peer review seront rendus publics.
Si des centrales devaient s’avérer vulnérables ou défaillantes au niveau de la sécurité, la décision de stopper les réacteurs ou de les laisser en activité est laissée au gouvernement de l’Etat membre.
En parallèle, l’UE va entamer des discussions avec les puissances nucléaires limitrophes (Russie, Suisse, Ukraine et Arménie) pour qu’elles entreprennent également des stress-tests sur leurs réacteurs. A l’heure actuelle, on ignore si ces pays seront priés de suivre le canevas établi par la Commission.
Quid de la Belgique ?
Alors que tensions et discussions sur les critères n’étaient pas encore terminées au niveau européen, l’AFCN (Agence fédérale de contrôle nucléaire) était déjà dans les starting blocks. L’agence a proposé dès la mi-mai des spécifications pour les stress tests qui devraient être effectués sur les sites de Doel et Tihange mais aussi de l’IRE et du CEN. Les propositions avancées vont dans la bonne direction en se voulant les plus complètes possibles, notamment en incluant les risques d’attaques terroristes et chutes d’avion. Le directeur de l’AFCN, Willy De Roovere, s’est dit partisan d’envisager les pires scénarios et les conséquences qui peuvent en découler, voire même l’inimaginable.
D’autre part, la Belgique et les Pays-Bas devraient normalement collaborer quant à l’implémentation des stress tests sur les centrales de Doel (B) et de Borssele (NL). Quant à une collaboration avec la France, notamment au sujet des centrales de Chooz et de Gravelines, proches des frontières belges, rien n’a encore été décidé. La Ministre de l’Intérieur a pourtant signifié l’intérêt de la Belgique à être partie prenante dans les tests qui y seront effectués[[Le Soir « Tests nucléaires : la Belgique sollicite la France » 26 mai 2011]].
Si le milieu environnemental salue avec prudence l’initiative de l’AFCN, il insiste sur le fait que la collaboration avec des pays voisins ne peut affaiblir le cahier des charges proposé par le régulateur belge[ [Communiqué de presse 19 mai 2011 Plateforme « Stop&Go » La plate-forme STOP & GO exige du sérieux pour les stress tests]].
Il plaide en outre pour que les tests prennent en compte le fait que nos centrales soient situées dans des régions densément peuplées.[voir [étude parue dans « Nature » (Reactors, residents & risk- 21 avril 2011]] en proposant que des exercices de mises en situation soient effectués pour évaluer les impacts socio-économiques sur des villes comme Anvers et Liège (respectivement à moins de 30km de Doel et de Tihange) en cas d’exposition à la radioactivité. Il est également essentiel que les stress tests soient menés par des organes indépendants des opérateurs des centrales (Electrabel).
Cependant, rien n’est acquis puisque, dans le courant du mois de juin, le gouvernement en affaire courante devra donner son aval au cahier des charges proposé par l’AFCN. On peut craindre que les critères soient revus à la baisse suite aux récentes déclarations d’Yves Leterme qui préfère s’aligner sur les critères européens pour une « harmonisation internationale »[[Le Soir : « L’avion, point faible du stress test ? » 20 mai 2011]]. L’AFCN devra-t-elle revoir sa copie pour une version édulcorée si la France décide de n’imposer à ces opérateurs tout puissants que le minimum minimorum ?
L’incapacité de la Commission européenne à imposer, à TOUS les Etats membres, d’appliquer les critères les plus strictes, d’extrapoler les situations les plus catastrophiques, devrait-elle donner des scrupules à la Belgique d’être un bon élève de la classe ?
Quand on sait que plusieurs partis (PS, CDH) reportent le débat sur la sortie du nucléaire et le subordonnent à présent aux résultats des stress tests, on ressent d’autant plus l’enjeu et l’obligation de mener ces tests avec la plus grande rigueur et en toute transparence.
Sources :