Hallucinant ? Choquant ? Inimaginable ? Que représente 5,3 billions de dollars, soit 6,5% du PIB mondial ? C’est le montant des différentes formes de subsides qui seront alloués aux énergies fossiles en 2015 selon le Fonds Monétaire International.
Il s’agit d’une forme de schizophrénie aigüe : la communauté internationale affiche une certaine volonté de lutter contre le changement climatique et de préserver « les générations futures » du principal fléau auquel l’humanité est confrontée. Dans un même temps, elle continue d’irriguer à coup de milliards de dollars l’exploitation et la consommation de la principale source de gaz à effet de serre, les énergies fossiles.
Le dernier rapport du FMI estime la somme astronomique de 5,3 billions de dollars, (soit 10 millions$ à la minute !) en intégrant dans son calcul les externalités qui sont payées par la société et non par les pollueurs, notamment les dommages sur l’environnement ou sur la santé causés par la pollution de l’air.
En plus du coût de ces externalités, le FMI inclut dans ces subsides le soutien direct à la consommation via des baisses de taxe sur les carburants fossiles. Ce qui amène le FMI à conclure (et c’est loin d’être neuf) qu’un prix plus élevé des carburants fossiles est le moyen le plus efficace et le plus économique pour réduire les problèmes de congestion automobile.
Ces subsides aux énergies fossiles représentent un véritable fardeau non seulement par les impacts environnementaux et sociaux qui sont supportés par la collectivité mais aussi en privant les Etats de rentrées fiscales qui pourraient financer des alternatives durables et des investissements dans la santé, l’éducation, la mobilité douce…
La plupart des Etats invoquent des raisons socio-économiques pour continuer soutenir de façon directe ou indirecte ce type d’énergie polluante. Baisse de pouvoir d’achat, affaiblissement de la compétitivité, ralentissement du développement économique… des craintes légitimes mais qui doivent être apaisées vu les bénéfices que procurerait la fin de ces subsides. Le rapport du FMI chiffre à 2,9 billions (3,6% du PIB mondial) les recettes qui pourraient alimenter les caisses des gouvernements. La mortalité causée par la pollution de l’air (1,6 millions de vie par an) pourrait être évitée entraînant ainsi une réduction drastique de coûts en soin de santé.
Dans certains pays l’abandon des subsides à ces énergies est aussi une formidable opportunité pour réorienter les moyens financiers disponibles vers les couches sociales qui en ont le plus besoin puisqu’autant le FMI que d’autres organismes internationaux[[OCDE, Banque mondiale, AIE – Agence Internationale de l’énergie]] reconnaissent que les différentes formes de soutien aux énergies fossiles profitent davantage aux catégories de revenus supérieures. Seul 5 à 10% des subsides profitent au premier quintile de revenus.
Le FMI évalue en outre que l’arrêt de ces subsides aux fossiles aurait pour conséquence une diminution des émissions de CO2 de 20% au niveau mondial. Un pas de géant dans la lutte contre le changement climatique alors que les décideurs préfèrent la politique des petits pas.
Par ailleurs, sans ces subsides « cachés » aux énergies fossiles, les énergies renouvelables seraient quant à elles largement compétitives et n’auraient plus besoin de soutien. Soutien de 120 milliards$, qui au niveau mondial, reste ridicule comparé à celui alloué aux énergies fossiles !
Alors que de plus en plus de voix s’élèvent pour demander l’arrêt des divers subsides et autres investissements dans les énergies fossiles, on constate que les gouvernements persistent dans leur contradiction. Sans attendre un sursaut de la part des décideurs, de plus en plus d’institutions et d’organes divers se mobilisent pour un désengagement dans les énergies non durables. La campagne du journal The Guardian « Keep it in the ground » est à ce titre exemplaire avec notamment une rubrique « Divest your life » qui procure des conseils très pratiques pour «dépolluer » notre quotidien des énergies fossiles.
Et pour creuser davantage les impacts sociaux, environnementaux et économiques des énergies fossiles, plongez vous dans le récent dossier d’IEW « Le Livre noir des énergies fossiles« .