Qu’il s’agisse du système d’exemption de taxes pour les agrocarburants en Allemagne, de la taxation différentiée du diesel et de l’essence sans plomb en Belgique, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni, des subventions à l’irrigation en Espagne ou à la production d’énergie nucléaire en Allemagne, les moyens mis en oeuvre par les Etats européens pour soutenir un secteur ou accorder des avantages aux consommateurs ont parfois des conséquences négatives non négligeables sur l’environnement. Consciente de ce fait depuis plusieurs années, la Commission européenne a voulu se doter d’une méthodologie pour identifier, analyser et, à terme, réformer les subventions en cause.
Première étape donc, travailler cette méthodologie d’identification et d’évaluation. Le rapport détaillé de l’étude commandée par la Commission est en ligne depuis mars 2010. L’objet de l’étude est bien cerné : définitions techniques de ce qui est considéré comme une subvention, avec distinction de ce qui apparait dans les budgets (transfert direct de fonds, aide directe du gouvernement,…) et de ce qui est hors budget (soutien aux prix du marché, exemptions de taxes, revenus implicites issus de la non-internalisation d’externalités,…).
Ce rapport fait état de la difficulté d’arrêter une définition suffisamment opérationnelle de ce que l’on entend par « subvention dommageable à l’environnement ». La définition de 2005 de l’OCDE était la suivante : « Le résultat d’une action du gouvernement qui confère un avantage aux producteurs ou aux consommateurs, de manière à réduire leurs dépenses ou à augmenter leurs bénéfices, mais qui, ce faisant, entrave les bonnes pratiques environnementales. » Si cette définition est suffisamment vaste pour intégrer les subventions hors-budget, par contre, elle exclut l’idée des conséquences de la « non-action » d’un gouvernement (par exemple, la création d’un subside implicite en n’internalisant pas des externalités).
Arrêter une vision commune de ce qui est dommageable pour l’environnement n’était pas plus facile. Les auteurs de l’étude proposent d’adopter la définition la plus largement acceptée au sein de la communauté scientifique : « toutes autres choses étant égales, une subvention dommageable pour l’environnement implique une augmentation des niveaux d’utilisation d’une ressource naturelle et par conséquent une augmentation des déchets et de la pollution associés. »
La conclusion de ce chapitre a tout d’une réponse de Normand :
la définition de la subvention varie en fonction de l’objectif de l’analyse,
la définition reste en définitive un choix politique, et les implications de ce choix doivent être explicites,
il faut être conscient que l’utilisation d’une définition plutôt qu’une autre peut mener à des conclusions différentes,
il n’existe toujours pas de définition communément acceptée de ce qu’est une subvention dommageable pour l’environnement. Le point crucial du débat concerne le niveau de dommage à l’environnement jugé acceptable, ainsi que les droits de propriété associés.
Quand on lit les montants concernés par le problème, on se demande s’il est l’heure de faire preuve de tant de subtilité.
En 2001, les subventions en matière d’énergie en Europe allaient à 75% aux énergies fossiles, dont le charbon était le plus largement bénéficiaire. Au total, on estime à 500 milliards de dollars le montant alloué chaque année dans le monde aux énergies fossiles, soit 1% du PIB mondial. C’est précisément ce ratio que le rapport Stern recommandait de consacrer aux actions permettant de rester sous la barre des 2°C du réchauffement planétaire.
Le rapport va cependant beaucoup plus loin dans l’aide à la décision. Son travail est essentiellement basé sur l’évaluation d’outils d’analyse, et en particulier ceux que l’OCDE utilise depuis une dizaine d’années. Un outil permettant un scan rapide du projet de subside, une check-list des impacts environnementaux et un cadre d’évaluation intégrée.
Les outils ont été testés sur 6 études de cas. Les auteurs recommandent l’intégration des 3 outils en 1 seul. Ils identifient des faiblesses dans les manières de prendre en compte les scénarios à contrepied, c’est-à-dire d’envisager la situation en l’absence de la subvention étudiée.
Résultat majeur, l’identification des domaines non pris en compte pour l’évaluation de l’impact : les questions de concurrence et de PME, mais surtout les impacts en matière de santé publique !
S’oriente-t-on donc vers une réforme des subventions dommageables à l’environnement (SDE) ?
En mobilisant ses forces pour reprendre en main le dossier des SDE, la Commission répond avant tout au contexte actuel de crise financière, poussant les Etats à revoir leurs budgets et augmenter leurs revenus. « Faire disparaître des SDE permettrait de créer des revenus, de réduire les émissions de CO2 et d’autres impacts environnementaux. »
La crise apportait une opportunité unique de restructurer fondamentalement l’économie, de l’ancrer dans le durable en travaillant les investissements permettant une transition vers une économie à basse intensité carbone. Les auteurs de l’étude concluent à une occasion manquée.
Les visions « court-termistes » l’ont emporté une fois de plus et aucune reformulation profonde de l’utilisation de l’argent public n’a été proposée.
Les Ministres de l’environnement appellent pourtant la Commission à réviser les SDE de manière urgente, secteur par secteur, et à les éliminer graduellement. Les débats devraient avoir lieu dans le cadre de la préparation de la stratégie post-Lisbonne. Les regards se tournent dès lors vers le Conseil européen de juin 2010 lors duquel la stratégie Europe 2020 pourrait être adoptée.
Extrait de nIEWs (n°73, du 15 au 29 avril),
la Lettre d’information de la Fédération.
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