Ce mercredi 24 avril se tenait le débat politique sur la chasse organisé par le Royal Saint-Hubert Club de Belgique (RSHCB). De nombreux sujets ont été abordés, soigneusement sélectionnés par un comité « d’inquisition » siégeant sur la scène, derrière les politiques venus défendre les positions de leur parti.
Au menu de la soirée, la question du loup n’a pas manqué d’être abordée. Si la plupart des partis se sont retranchés très justement derrière l’expertise reconnue du Réseau Loup, Willy Borsus n’a pas hésité quant à lui à être plus offensif et à défendre la position du MR sur l’affaiblissement du statut de protection stricte de loup en Europe. Déclarant même que la Wallonie va au-devant des graves problèmes, et ajoutant que l’argent public dédié au Réseau Loup (coordonné au sein de l’administration wallonne) serait même plus utile s’il était utilisé pour d’autres tâches.
Cependant, plus intéressants encore que les réponses des politiques, ce sont les questions telles qu’elles ont été posées qui interpellent. Elles sont en effet révélatrices d’un monde cynégétique en balance entre diverses positions quant à leurs rôles et qualifications. Il semble y avoir un relatif consensus sur la surdensité des ongulés sauvages en Wallonie laquelle pose de sérieux problèmes en matière de régénération de la forêt et de biodiversité. Le monde de la chasse n’y voit pas une conséquence du nourrissage, mais plutôt des changements du climat, avec des hivers plus doux et des glandées plus nombreuses. Cependant, la chasse est un loisir pratiqué par des personnes passionnées qui lui consacre une bonne partie de leur temps libre. Ce n’est donc pas une profession où on a des obligations. De ce fait, le chasseur souhaite ne pas être réduit strictement à un rôle de régulateur. Le tir des laies lui est par exemple contre-nature. A contrario, l’argument de la disparition des prédateurs a longtemps fait partie du discours des chasseurs pour justifier l’importance de maintenir la chasse. Aujourd’hui, ils estiment pourtant que la présence du loup induit une pression intolérable sur « leur » gibier. Si on se réfère à un article paru récemment dans le magazine du RSHCB, le loup bouscule en effet les habitudes des chasseurs, habitués à maintenir et soigner leur « cheptel » sur le territoire qu’ils gèrent. Le retour du loup rebat les cartes : il fait bouger les proies et rend la chasse plus équitable. En effet, les territoires qui avaient peu de gibier ont désormais plus de chances d’en voir et d’en tirer. Dans la Drôme, le loup semble faire son œuvre, puisque les populations de gibier ont drastiquement diminué selon les chasseurs.
S’il y a donc trop de gibier en Wallonie, que cela nous impacte économiquement et que la biodiversité en pâtit, que le chasseur ne veut pas de l’étiquette « régulateur-exterminateur » ou qu’il se sent dépassé par la tâche, pourquoi dès lors ne pas laisser sa part au loup ?
Un autre argument pour justifier la régulation du loup (plutôt que le tir d’individus au cas par cas), partagé cette fois par les chasseurs et les éleveurs, est lié aux dommages qu’ils occasionnent au bétail. Pourtant les études ne montrent pas ou peu ce lien de manière unanime. Globalement, la régulation non sélective du loup ne conduit pas forcément à faire diminuer la prédation sur le bétail.
En Slovaquie, où la régulation est pratiquée par les chasseurs sur base de quotas à réaliser en hiver, aucune corrélation n’a pu être établie avec une diminution des attaques. Par contre, l’impact du loup sur les populations d’ongulés sauvages semble s’être affaibli. Il en va de même en Slovénie, où la régulation est effectuée par l’Etat et où aucun lien n’a pu non plus être établi entre régulation non sélective et diminution de la prédation sur le bétail.
En France, une thèse de doctorat a mis en avant la difficulté de prédire l’impact des tirs sur la diminution des attaques sur les troupeaux, tant cela dépendait des meutes et de l’environnement local. Il semble aussi qu’il y ait actuellement un découplage, depuis 2018, entre le nombre d’animaux domestiques prédatés et le nombre de loups. Le nombre de bétail prédaté n’a pas augmenté parallèlement au nombre de loups ces dernières années.
De plus, le recours aux tirs, parfois justifié pour apaiser une situation conflictuelle, ne change pas l’attitude des personnes après avoir effectué le tir, ni ne fait diminuer le braconnage de l’espèce (ce serait même l’inverse).
Tout cela démontre que la seule voie possible pour la coexistence, c’est de miser sur les moyens de protection (clôtures électrifiées et chiens de protection), en améliorant constamment leur efficacité et notre expérience. Il faut aussi limiter au maximum les impacts négatifs sur les éleveurs (financiers, charge de travail, pertes indirectes, etc.) qui restent finalement ceux qui subissent majoritairement les conséquences du retour du loup. Les tirs sélectifs devraient rester possible là où les attaques sont les plus nombreuses et difficiles à empêcher, ou si l’on se trouve en présence d’individus pas assez farouche vis-à-vis de l’humain. Reste que le tir des individus dits « problématiques » s’avère très difficile sur le terrain.
Crédit image d’illustration : Adobe Stock
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