Ce 9 octobre, le Secrétaire d’État à la fiscalité environnementale, Bernard Clerfayt, a organisé un symposium consacré à cette « éco-fiscalité ». La Fédération y était bien évidemment présente… mais est restée sur sa fin. Certes, l’initiative était louable car on ne peut que se réjouir de voir le sujet sortir (enfin!) de la sphère restreinte des environnementalistes. Mais force nous a été de constater que les pistes mises en débat restaient bien en-deçà des enjeux et continuaient à privilégier les primes et incitants divers à des mesures pénalisant et, in fine, décourageant les comportements préjudiciables à l’environnement.
En ouverture de ce symposium, le Secrétaire Clerfayt a rappelé que la fiscalité environnementale qu’il souhaite mettre en place devrait servir différents objectifs parmi lesquels la lutte contre le changement climatique, l’intégration du coût carbone dans le prix des biens et la réduction de la consommation d’énergie. C’est très bien. Malheureusement, la suite des travaux démontra une stratégie peu en phase avec l’ambition du discours…
Première chose surprenante, l’intitulé de ce symposium : «Eco-fiscalité, un bon levier de croissance ?» La fiscalité environnementale a-t-elle réellement pour vocation première d’assurer la pérennité d’un système dont on dénonce aujourd’hui de plus en plus les limites ? La fiscalité «verte» n’a-elle justement pas pour ambition de répondre avant tout à un objectif environnemental fort, tout en résorbant l’injustice due à la situation actuelle qui fait que c’est la collectivité dans son ensemble qui supporte les coûts environnementaux générés par les activités de quelques-uns ?
Ainsi, la note stratégique à destination du gouvernement fédéral dont Bernard Clerfayt a présenté les grandes lignes recèle quasi exclusivement des mesures fiscales de type «carotte» consistant à récompenser les comportements que l’on dit plus vertueux sur le plan environnemental :
- étendre les déductions fiscales octroyées pour investissements économiseurs d’énergie ;
- verdir le parc des voitures de société ;
- encourager le covoiturage ;
- réaliser un plan véhicules électriques ;
- avantager l’éco-conduite.
Ces mesures peuvent avoir une certaine utilité mais ne sauraient en aucun cas suffire. Elles ont d’ailleurs été critiquées il y a quelques semaines par le Conseil Supérieur des Finances (CSF) dans son dernier avis «La politique fiscale et l’environnement»[[CSF, 2009, La politique fiscale et l’environnement, Section «Fiscalité et parafiscalité».]]. C’est que de tels outils ne poursuivent nullement un objectif d’ordre allocatif consistant à «intégrer autant que possible les coûts externes dans les décisions de production et de consommation des agents économiques». D’autre part, ils coûtent au budget de l’État (et conséquemment sur le contribuable qui alimente les caisses…) sans avoir un résultat à la hauteur de l’effort consenti. Les mesures avancées s’apparentent ainsi à un emplâtre sur une jambe de bois. En effet, les incitants sur les véhicules LPG, les véhicules de société «verts» et l’éco-conduite ne remettent pas fondamentalement en cause des modes de production et de consommation pourtant dénoncés à différents niveaux (songeons au régime fiscal attrayant des voitures de société déjà blâmé en son temps par l’OCDE et, plus récemment, par la CSF). Par ailleurs, le remplacement d’un véhicule ancien par un nouveau plus performant sur le plan environnemental n’est pas neutre en termes d’émissions de CO2 en raison du problème trop souvent négligé de l’énergie grise[[«« L’énergie grise » (…) indique la quantité d’énergie utilisée pour produire tel ou tel bien de consommation ou mettre au point tel ou tel service et ce, avant tout usage.» (Ecoconso, 2005, L’énergie grise, L’Art d’éco… consommer n°04- Dossier)]].
Le plus consternant est venu de la proposition de révision «verte» du régime fiscal des voitures de société consistant à élargir la fourchette de déductibilité à 100 %… Pour le moins surprenant alors que le CSF lui-même prône la suppression progressive de ce régime (ainsi que celui de la carte-essence) tout en alignant la taxation de l’avantage de toute nature sur celle des salaires, tant dans le chef de l’employeur que dans le chef du salarié.
Pour conclure sur une note positive, on citera Christian Valenduc[[Conseiller général au Service d’Etudes du SPF Finances où il dirige la cellule chargée de l’analyse économique de la fiscalité et des prévisions budgétaires.]] qui entreprit de «dédiaboliser» les taxes environnementales souvent perçues par le public comme un moyen de renflouer les caisses de l’État : «payer sa contribution pour le climat, c’est être un citoyen du monde».
A lire: la position officielle de la Fédération sur « l’éco-fiscalité »
La position de la Fédération Inter-Environnement sur la « fiscalité verte »