taxe carbone aux frontières : scepticisme de l’Europe

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Plébiscitée par Sarkozy, la taxe carbone aux frontières semble déjà avoir du plomb dans l’aile. La Commission européenne a en effet dévoilé ses craintes quant à la mise en ½uvre d’une telle mesure, notamment eu égard à son «nombre d’inconvénients considérable».

Le 6 avril dernier, les services de la Commission européenne publiaient un document de travail analysant «le potentiel des instruments de financement novateurs à l’échelle européenne en ce qui concerne le secteur financier, le changement climatique et le développement». Le rapport affiche d’emblée son scepticisme sur le recours à une taxe carbone aux frontières : «une taxe carbone aux frontières présente un nombre considérable d’inconvénients, auxquels il faudrait remédier».

Le document d’analyse indique également que des taxes carbone aux frontières «pourraient non seulement créer des inquiétudes concernant leur compatibilité avec les règles de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), leur faisabilité et leurs coûts administratifs potentiels, mais pourraient aussi risquer de mener à des conflits commerciaux et à des possibles mesures de représailles». Et d’ajouter que «les coûts administratifs pourraient être très élevés alors que le taux de la taxe devrait varier en fonction des émissions représentées par les produits».

Au niveau européen, d’autres voix discordantes s’étaient manifestées, à l’instar de celle du commissaire au Commerce, notre compatriote Karel De Gucht, qui avait fait part de son aversion pour la taxe carbone aux frontières lors de son audition devant le parlement européen, le 11 janvier dernier. D’après lui, celle-ci «se heurtera à beaucoup de problèmes politiques». Cette taxe risquerait également d’entraîner «une surenchère au niveau global» et une «dérive dans une guerre commerciale».

Pourtant, l’idée d’une taxe carbone aux frontières a été proposée afin de protéger le secteur de l’industrie européenne contre une concurrence déloyale des produits importés de pays laxistes en matière de réduction d’émissions de CO2, en cas d’échec des négociations internationales sur le climat.

Le changement climatique et le commerce

Mais revenons-en aux griefs apportés par les services de la Commission. Ils pointent une incompatibilité avec les règles de l’OMC. Cette incompatibilité ne semble pourtant pas aussi totale que l’on pourrait le croire.

En effet, d’après le rapport Commerce et Changement Climatique, de l’OMC et du PNUE, «l’approche générale adoptée dans le cadre des règles de l’OMC consiste à reconnaître qu’un certain degré de restriction des échanges peut être nécessaire pour autant que certaines conditions définies avec soin soient respectées».

La jurisprudence de l’OMC a d’ailleurs confirmé que «les règles de l’OMC ne l’emportent pas sur les prescriptions environnementales.» Ainsi, si une mesure aux frontières liée au changement climatique, à l’instar de la taxe carbone, «était jugée incompatible avec l’une des dispositions fondamentales du GATT, elle pourrait quand même être justifiée au titre des exceptions générales prévues à l’article XX du GATT, pour autant que plusieurs conditions soient remplies.»

Ces conditions imposent, d’une part, que la mesure relève d’au moins une des exceptions prévues et qu’un lien entre l’objectif déclaré de la politique climatique et la mesure prise à la frontière considérée puisse être établi, et d’autre part, que la mesure ne constitue «un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable» ni «une restriction déguisée au commerce international».

La taxe carbone aux frontières sous condition

Enfin, il serait malvenu que l’Europe pénalise les autres pays alors qu’elle-même n’entreprend pas des mesures ambitieuses dans le cadre de sa politique climatique.

Au niveau international, il est en effet préférable que les entreprises énergivores soient soumises aux mêmes règles climatiques. Pour se faire, un accord climatique international ambitieux devrait être conclu. Dans ce cadre, la taxe carbone aux frontières peut être vue comme un moyen de pression à l’égard des États qui refuseraient de s’engager à réduire suffisamment leurs émissions, en regard de ce que préconise le GIEC. Si l’Europe s’engage suffisamment au niveau international, alors elle doit pouvoir légitimement implémenter une taxe d’ajustement à ses frontières, taxe qui serait basée sur le contenu carbone des produits provenant de pays dont la politique climatique laisse à désirer.

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