The Locator : localisez votre entreprise !

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Souvent décriées pour leur appétit en matière de terrains agricoles à convertir en parcs d’activités, les intercommunales wallonnes de développement économique commencent à inverser la vapeur. Parmi elles, la SPI s’est déjà illustrée ces dernières années en Province de Liège par une politique de réhabilitation de sites désaffectés et par la reconversion d’anciennes emprises industrielles urbaines pour accueillir des entreprises compatibles avec l’habitat. Avec le portail The Locator, elle entend promouvoir l’ensemble de ses disponibilités – en ce compris des bâtiments ayant connu une utilisation antérieure. Plus fort encore, The Locator dépasse les frontières de la province pour englober les territoires voisins : les provinces de Limbourg côté flamand et côté néerlandais, ainsi que le Land de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie en Allemagne.

La SPI, la WFG Ostbelgien, le POM et l’AO Limburg (Belgique), Agit mbH (Allemagne) et la Provincie Limburg (Pays-Bas) ont réuni leurs efforts pour créer une source unique d’information en matière d’implantation d’entreprises. Sur leurs territoires, la carte interactive de The Locator permet de repérer les terrains et les bâtiments disponibles à la location et à la vente, qu’ils fassent ou non partie d’un parc d’activités économiques ou industrielles. Une première en Europe, rendue possible par la synergie de l’Euregio Meuse-Rhin. A l’origine du projet, des tentatives réussies de collaboration entre Aachen et Maastricht éveillent l’émulation. La SPI soumet en 2011, dans le cadre d’un appel à projet INTERREG, la mise en commun des informations des quatre régions sous la forme d’un portail informatique. Soutenu par l’Europe et par la Wallonie, le site internet eurégional et sa carte interactive sont devenus en quelques années une référence incontournable.
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Carte de l’Euregio Meuse-Rhin. Source : The Locator

Nicolas Gambette, coordinateur du projet transfrontalier The Locator à la SPI, évoquait en 2012 pour le périodique GéoPlatform le défi à relever. « Oui, nous prenons un risque, mais le partage de la connaissance et [de] l’information nous sera bien plus profitable. Et nous voulons ainsi favoriser le plus possible l’activité dans la province, à l’intérieur de et avec la région prise dans son ensemble ». Son collègue Benoît Collet poursuivait : « Il y a une pénurie, surtout en très grands terrains, au-delà de cinq hectares, mais nous ne savons pas encore comment se répartit ce déficit sur l’ensemble de la région. Maintenant que The Locator est lancé, nous pouvons télécharger nos données respectives et les analyser plus en détail. Nous pouvons exploiter cette information pour attirer des investisseurs et pour développer nous-mêmes de nouveaux sites, ou adapter d’anciens. »

Cette volonté d’adapter les anciens parcs est du plus haut intérêt pour la Fédération Inter-Environnement Wallonie, qui n’a eu de cesse d’interpeller les majorités régionales successives pour que soit entrepris un inventaire des lieux désaffectés. Envisager d’abord la reconversion de chancres et de « vaisseaux perdus », en amont de toute proposition de promoteur ou investisseur, permet de mieux maîtriser l’urbanisation des parcelles vierges et constitue un signal fort en termes de dynamisme économique.

Dans « Des zonings, oui, mais pas n’importe comment ! », une carte blanche publiée dans « L’Echo » du jeudi 8 avril 2008, Janine Kievits, alors chargée de mission d’IEW, en appelait à une réorientation de la politique d’expansion. « La Fédération Inter-Environnement Wallonie reconnaît la nécessité d’offrir aux entreprises des conditions propices à leur implantation. Elle estime toutefois que cela ne peut se faire au détriment du bon sens, d’une gestion responsable de l’environnement et du portefeuille des contribuables. Ainsi, avant d’aménager de nouvelles zones, il conviendrait par exemple d’inventorier les parcelles des zones actuelles susceptibles d’être réutilisées. Ce recyclage permettrait à la fois de préserver l’état du bâti et la dynamique des zonings concernés et de respecter le principe de « gestion parcimonieuse du sol » inscrit à l’article premier du Code wallon de l’aménagement du territoire. Cela éviterait en outre de convertir des terres agricoles indispensables à une souveraineté alimentaire loin d’être assurée. »

L’A-B-C pour s’implanter ?

Le titre du chapitre « ABC pour s’implanter » de The Locator fait, innocemment sans aucun doute, allusion à la méthode A-B-C, une logique de localisation développée et appliquée aux Pays-Bas. Cette méthode, à laquelle la CPDT a notamment consacré une fiche explicative téléchargeable, vise à déterminer quel lieu est le plus adapté à une activité donnée, en fonction d’un « profil d’accessibilité ». Un des objectifs concrets de cette mise en adéquation des lieux et des types d’activités est de maximiser l’usage des transports en commun et donc de faire du mode de déplacement un critère majeur d’évaluation du choix d’implantation. Extrait :
«  Les profils A sont les activités « intensives » en espace qui génèrent surtout des déplacements de personnes, employés ou clients (ex : bureaux, établissements scolaires, commerces de vêtements ou autres équipements de la personne,…) ; les profils C sont les activités les plus extensives principalement génératrices de transport de marchandises (ex : industrie lourde, société de transport routier,…) ; les profils B se situent entre les deux. (…) La localisation d’un maximum d’activités « A » en des lieux « A » permet le développement de l’usage des transports en commun. Faire correspondre le profil de mobilité des activités au profil d’accessibilité des lieux est, logiquement, moins coûteux et plus efficace pour limiter sur le long terme l’utilisation de la voiture qu’une augmentation de l’offre en bus ou en train après coup, c’est-à-dire après l’installation d’activités « A » en des lieux non ou mal desservis préalablement. »

On l’aura compris, la méthode ABC admet que les activités généralement couvertes par les parcs économiques soient situés dans des lieux de type C. Néanmoins, et c’est là l’originalité de son propos, elle instille l’idée que, finalement, se rendre à pied ou en transport en commun dans un zoning devrait être possible et même agréable, que l’on soit riverain, visiteur, client ou membre du personnel d’une des entreprises. Le portail The Locator ne permet pas encore littéralement de vérifier s’il existe des terrains ou des bâtiments libres dans des lieux à haut profil d’accessibilité, mais il offre la possibilité de passer l’Euregio au peigne fin grâce à sa cartographie qui pousse loin le souci du détail topographique. De plus, chaque bien immobilier étant localisé très précisément, l’information peut être croisée avec des documents cartographiques complémentaires, voire avec les fameuses cartes d’accessibilité de la CPDT.

Les bons manuels de savoir-vivre stipulent que, si l’on veut fleurir ses hôtes lors d’un dîner ou d’un souper, il faut faire livrer le bouquet la veille. Cela évite aux maîtres de maison d’avoir à dénicher un vase adapté, se débarrasser de l’emballage, recouper les tiges, et choisir un bon endroit pour exposer les fleurs tout en s’occupant des manteaux, de l’apéritif et des présentations. Toute ressemblance entre ces précautions d’usage et The Locator est volontaire. C’est un portail qui permet au visiteur de se poser les bonnes questions avant de débarquer avec armes et bagages. C’est un portail qui permet de préparer la maison avant de recevoir quelqu’un – n’est-il pas plus agréable de remettre la main sur ces bouteilles de Cava délicieux, que de courir acheter du Crémant hors de prix et trop sucré ? Trop souvent, la Wallonie a dû s’empresser de dire « oui » à une filiale importante qui refusait de lui donner le temps de la réflexion. Elle disait ce « oui »  avec dans les mains un vaste terrain nouvellement équipé, la dernière entrée du catalogue, histoire de ne pas être soupçonnée de pousser des vieux rossignols. Demain, les rossignols pourront à nouveau chanter, car la Wallonie n’aura plus peur de les mettre à l’honneur – si du moins on en croit la Déclaration de Politique Régionale 2014-2019, en sa page 28. Notre région prendra le temps d’accueillir les bonnes surprises avec davantage de recul. Raffermie dans sa confiance en ses propres capacités, elle n’hésitera plus à faire valoir ses intérêts à long terme.

Tiens, justement, en parlant du long terme… Qui dit projet européen dit échéance. Après quelques années fructueuses, l’heure de la clôture a sonné pour le projet INTERREG. Mais heureusement pas pour The Locator ! Ce 17 juin 2014, les quatre partenaires ont signé une lettre d’intention concrétisant la volonté de finaliser dans les prochains mois un accord de coopération internationale pour entretenir, développer et mettre à jour The Locator jusqu’en 2019. Lors de cette cérémonie, les représentants des entreprises comme ceux des institutions ont souligné la valeur ajoutée importante du projet The Locator en termes de développement économique mais aussi en termes de développement d’une vision européenne dépassant les clivages nationaux.

En savoir plus :

La Fédération IEW organise sur les sites à réhabiliter (procédure S.A.R.) un décodage de l’aménagement le mercredi 26 novembre, avec comme oratrice Anne-Valérie Barlet, Fonctionnaire déléguée de la Direction provinciale de Liège 2, qui a été conseillère juridique en environnement, aménagement du territoire et reconversion des friches auprès de Duferco via la Société Anonyme SoGePa.

Une interview de Nicolas Gambette sur le projet The Locator a été publiée le 28 août 2014 dans La Libre Immo : « Cherche terrain pour l’Euregio », page 2.

A-B-C : La fiche technique que la CPDT a consacrée à cette méthode fait partie de « Protocole de Kyoto : aménagement du territoire, mobilité et urbanisme – Mesures pour faciliter l’adhésion de la Région wallonne au Protocole de Kyoto et pour limiter les émissions de gaz à effet de serre », publié en 2005 dans la série « Etudes et documents ».
Cette publication est en vente au prix de 10,00 EUR, à commander au service de diffusion des publications de la DGO4, e-mail : publications@spw.wallonie.be. Vous en trouverez le résumé ici.

Deux anciens articles de Janine Kievits sur les parcs d’activités économiques, riches d’enseignements et de réflexion historique : « Zones d’activité économique : le décret « infrastructures » : machine à convertir la zone agricole ? » et « Zones d’activité économique : un nouveau « plan prioritaire » ? »).