Les compétences Tourisme, Agriculture, Nature, Forêt, Ruralité et Patrimoine rassemblées sous la bannière d’un seul ministre, c’était une opportunité formidable d’articuler divers éléments constitutifs d’un tourisme plus durable. Le Ministre René Collin a affirmé d’ailleurs que la « création de passerelles, d’espaces de dialogue et de convergence » entre ses compétences est l’une de ses priorités. 1
Les différents ingrédients d’une offre touristique durable
Comme indiqué dans sa note d’orientation, le ministre a pris des mesures pour soutenir le développement de circuits courts via l’encadrement de producteurs locaux et la création ou l’aménagement d’immeubles destinés à la transformation ou à la commercialisation de produits agricoles. Le ministre œuvre également à la reconnaissance de produits du terroir wallon (objectif : 25 produits reconnus par un signe de qualité européen et 17 produits reconnus en qualité différenciée d’ici 2020). Le développement de la production en bio est à l’agenda depuis plusieurs années et les résultats seront très probablement plus ambitieux que ce qui avait été prévu initialement. 2
En outre, le tourisme à la ferme, qui permet aux agriculteurs de diversifier leurs sources de revenus, fait l’objet d’une attention particulière via un soutien à l’asbl Accueil Champêtre qui intègre la création récente d’un « observatoire économique de la diversification », un outil permettant de récolter des statistiques et d’aider les agriculteurs à évaluer la faisabilité économique de leur projet.
Dans le cadre de l’actuelle législature, différentes mesures ont été prises pour préserver la biodiversité et en faveur de la ruralité. Sur le plan du patrimoine, plusieurs initiatives ont vu le jour récemment : réorganisation du secteur via la création de l’AWaP (Agence wallonne du patrimoine) et adoption du nouveau Code du Patrimoine Wallon. Elles seront finalisées en 2019. Centrée sur le patrimoine culturel, cette refonte devrait permettre notamment la participation d’instances locales (CCATM, associations…) et la valorisation du petit patrimoine populaire. Bien que l’on puisse regretter que le terme « patrimoine » utilisé dans la note d’orientation du ministre ne fasse pas référence au patrimoine naturel, il convient de souligner l’intérêt du principe de mise en valeur du petit patrimoine populaire, de nature à encourager un tourisme de proximité et donc, a priori, plus écologique (de par la réduction des distances parcourues).
Plus de lien pour un tourisme plus durable
Plus spécifiquement, en matière de tourisme, quelques grands chantiers ont été entrepris dans le courant de l’actuelle législature : la révision du Code wallon du Tourisme, la réforme des Maisons du Tourisme et la rationalisation de la promotion touristique. En outre, des dispositifs visant à établir une offre touristique plus durable ont été soutenus, et notamment la labellisation Clé Verte et des projets relatifs à l’accessibilité 3. Un investissement important a été réalisé et est poursuivi sur le plan de la qualité (de l’accueil, des services et des produits) et des passerelles sont désormais établies entre la démarche « qualité » et la labellisation Clé Verte, même si celles-ci sont à renforcer.
En 2018, une enveloppe de financement alternatif a été mobilisée pour soutenir des grands projets et des investissements touristiques structurants. Des moyens complémentaires seront alloués au lancement d’appel à projets (en 2019) afin d’aider à l’investissement pour les personnes à mobilité réduite dans les lieux touristiques, pour le secteur de la petite hôtellerie et pour les campings situés en zone inondable.
En conclusion, si l’on peut déjà retenir une série de démarches positives pour soutenir la valorisation du terroir, du patrimoine et la durabilité, dans le chef du Ministre l’Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine, Délégué à la Grande Région, il semblerait que plusieurs démarches soient encore à initier et/ou à développer d’ici la fin de la législature pour ne pas passer à côté de cette occasion de créer un lien suffisant entre ses différentes compétences et donc une offre touristique réellement plus durable :
- renforcer le lien entre l’offre touristique (et notamment l’hébergement) et l’offre de produits du terroir, en circuit court et bio ; à l’heure actuelle, trop peu de structures touristiques intègrent du bio au niveau de l’alimentation proposée aux clients ou visiteurs ;
- œuvrer à la création d’une véritable offre écotouristique, basée sur la valorisation et la conservation d’un patrimoine naturel exceptionnel (la Wallonie étant d’ailleurs, réputée pour son attractivité naturelle) ;
- intégrer, au niveau des observatoires, des indicateurs de durabilité sur les 3 piliers : économiques, mais aussi environnementaux et sociaux ; prendre également en compte, à ce niveau, des données concernant l’impact sur le plan social de gîtes de grande capacité dans des petits villages ;
- mandater les organismes de promotion touristiques pour qu’ils valorisent plus activement l’offre touristique durable, pour récompenser les prestataires qui s’engagent dans cette voie, susciter la demande et créer de nouvelles vocations ;
- intégrer des critères environnementaux dans les projets de développement d’infrastructures, de soutien au secteur de l’hôtellerie et des campings, dès la conception des projets, afin que ces projets ayant bénéficié de moyens publics puissent être reconnus comme étant exemplaires en la matière ;
- profiter de l’année à thème 2019 (qui portera sur la thématique de l’eau) pour informer le grand public sur l’impact potentiel d’un tourisme mal géré sur les milieux aquatiques et pour renforcer les mesures permettant de réduire l’impact environnemental de ces activités, ainsi que pour œuvrer à une augmentation des zones de baignade de qualité en Wallonie et mettre en avant les structures qui gèrent l’eau de façon plus durable.
- Note d’orientation budgétaire 2018-2019 du Ministre de l’Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine, Délégué à la Grande Région, p.10.
- Voir à ce sujet : La note d’orientation du Ministre Collin est-elle compatible avec le Code Wallon de l’agriculture ? – Xavier Delwarte
- Cfr note d’orientation, p. 12.