Le débat sur l’avenir de Liège Airport est loin d’être clos. Il en est de même pour celui sur l’avenir d’autres méga-hub logistiques, comme le Port d’Anvers. Car les projections en termes de demande future de fret varient considérablement selon les scénarios. Ceux qui préservent un climat viable ont néanmoins un important point commun : ils sont basés sur une modération, parfois très conséquente, de la demande de fret.
Le dernier rapport du GIEC (AR6) présente l’évolution de l’activité de transport dans les différents scénarios climatiques. Pour les pays développés, la croissance du fret est nulle en moyenne entre 2020 et 2030, dans les scénarios qui limitent le réchauffement à 1,5°C.
A contrario, une croissance de 25% du fret dans les pays développés entre 2020 et 2030 est une tendance retrouvée en moyenne dans les scénarios climatiques qui mènent à plus de 4°C de réchauffement1.
A titre de comparaison, si Liège Airport passe d’un peu moins de 40.000 en 2020 à 55.000 vols dans les années à venir (limite décidée par le Gouvernement wallon), on aura une augmentation de 37,5%. Si le Port d’Anvers passe d’un volume de 240 millions de tonnes de fret à plus de 300 millions de tonnes de fret (projections de l’European Community Shipowners’ Associations) en 2030, il s’agit d’une augmentation de 25%. Donc, dans les deux cas, ces projections sont alignées avec les niveaux de fret caractéristiques des scénarios menant à plus de 4°C de réchauffement.
Traffic 2020 | Projection future | Croissance du fret | |
Liège Airport | 40.000 vols | 55.000 vols | 37,5% |
Port d’Anvers | 240 millions de tonnes | >300 millions de tonnes en 2030 | >25% |
Dans d’autres scénarios climatiques, réalisés par Climact et menant à des réductions de 55 à 65% des émissions de gaz à effet de serre en Europe en 2030, le volume de fret augmente de manière très limitée, entre 5 et 7% d’ici 2030.
Par ailleurs, pour un volume de transport donné, l’évolution modale généralement recherchée est de réduire la part des transports les plus polluants (avions, camions) au bénéfice des modes les moins polluants (trains, bateaux). Une politique qui prévoit une augmentation plus importante encore pour le transport aérien que pour les autres modes, est une politique qui aggrave et accélère le réchauffement climatique, en contradiction avec les engagement pris pour le climat.
Dans son plan air climat énergie 2030 (adopté le 21 mars 2023), le Gouvernement wallon entend, de manière très pertinente, viser une stabilisation du transport de marchandise (+0% entre 2016 et 2030, voir page 28 du plan). Le développement logistique autour de Liège Airport est en contradiction frontale avec cet objectif.
Une modération forte de la demande de transport – y compris le fret – est désormais indispensable pour atteindre les objectifs climatiques et préserver un climat viable. Cette réalité simple n’est pas encore prise en compte dans les actes. Le problème ne va cependant pas disparaître de lui-même. Plus on émet, plus longtemps on conserve de hauts niveaux d’activités polluantes, plus les chocs à venir seront rudes. Ceux qui prétendent voir dans les projections de forte croissance de nos hub logistiques un « équilibre » entre activité économique et environnement mettent en péril l’un et l’autre.
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- Voir IPCC AR6 WG3 – Fig. 10.18 Transport activity trajectories (p. 1102) : La médiane des 33 modèles alignés avec un réchauffement limité à 1,5°C (with low overshoot), indique un niveau total de fret en 2030 identique au niveau de 2020 concernant les pays développés (multiplicateur = 1). La médiane des 11 modèles qui produisent un réchauffement supérieur à 4°C indique elle une augmentation des volumes de fret de 25% concernant les pays développés entre 2020 et 2030 (multiplicateur = 1,25).