La gratuité des transports publics est l’objet de nombreux débats publics ces derniers temps. Pourtant, au-delà de brefs échanges et quelques slogans, il y a peu de débats sur la question, ou alors ils dérivent invariablement vers celui de la qualité et de la quantité de l’offre de transport que ce soit dans le chef des politique ou au niveau des citoyens. Tour d’horizon des priorités.
Dans un débat public, et particulièrement à l’entame d’une campagne électorale majeure, on cherche souvent à mettre en évidence les divergences de point de vue. L’enjeu électoral invite plutôt à se distinguer. A contrario, pour redonner davantage confiance aux citoyens dans la politique n’y aurait-il pas un intérêt à ce que les partis politiques puissent se rejoindre, quand on est face à un enjeu majeur, sur des mesures prioritaires ? C’est le cas du climat depuis peu –et on s’en réjouit- et ce pourrait (devrait) être également le cas en matière de mobilité. Si l’on se base sur le déroulement du récent « A votre avis » diffusé sur la RTBF le mercredi 27/02/19 on y est presque. Et le vrai enjeu, bien au-delà de la gratuité serait celui du développement d’une offre de transport en commun attractive.
Pour traiter de la question de la gratuité des transports en commun, il est important de distinguer l’enjeu visé et les objectifs poursuivis par une telle mesure. Il y a d’une part un enjeu social et la question de l’accessibilité financière à un service (existant), et d’autre part un enjeu plus global (environnemental d’abord mais également économique et social) et la problématique du report modal que l’on veut encourager. La gratuité peut être une mesure efficace pour rencontrer le premier enjeu, elle est par contre tout à fait insuffisante, voire contre-productive, pour rencontrer le second enjeu.
C’est pourquoi, il serait sain de pouvoir distinguer davantage politique sociale et politique de mobilité, même si les deux peuvent et doivent être pensées globalement et conjointement. Appliquer des politiques sociales dans la grille tarifaire des opérateurs de transport rend cette dernière peu lisible et accentue le rôle social des transports en commun qui doivent pourtant s’adresser à toute la population. Une piste à étudier est celle de faire intervenir plus en amont les aides sociales et d’élaborer alors une grille tarifaire valable pour tous. A lire ici une note, élaborée en collaboration avec d’autres associations, qui explore cette perspective.
Pour rencontrer l’autre enjeu, celui de favoriser le report modal, et donc de réduire l’usage et la dépendance de la voiture particulière, ce n’est pas le tarif qui prime mais bien sur l’offre proposée. Les résultats du petit sondage effectués par le RTBF pour l’émission citée plus haut étaient éloquents : à la question « qu’est-ce que vous attendez le plus des transports en commun ? 64.47% demande plus de fréquence et 12.69% une meilleure ponctualité, les questions tarifaires venant après. Actuellement, l’offre de transport public n’est pas concurrentielle à la voiture, mis à part sur certains segments comme peut-être l’offre train vers Bruxelles en heures de pointe ou au sein des plus grosses agglomérations du pays. La mesure prioritaire, et qui demandera nécessairement des moyens budgétaires au moins aussi importants que ceux actuellement dévolus au transport en commun, est de renforcer l’attractivité de l’offre de transport en commun. Cela passe par trois leviers majeurs : augmentation des fréquences, meilleure intégration des différents réseaux (correspondance) et amélioration de la vitesse commerciale. Bien entendu la ponctualité reste une demande forte, mais avec une fréquence élevée des services, les défaillances en termes de ponctualité sont moins mal vécues.
A la question soulevée par les deux ministres de la mobilité participant à l’émission, à savoir pourquoi l’offre là où elle existe déjà n’est pas davantage utilisée, pointant des taux d’occupation faibles ou une augmentation de voyageurs réduite, on pourrait rétorquer : « pourquoi vous-même, n’utilisez-vous pas quotidiennement les transports en commun ? ». Une fréquence de 1 train/heure est totalement insuffisante pour capter des automobilistes dans les transports en commun, surtout si ces derniers vivent peu ou pas de contraintes en termes de stationnement ou de congestion de trafic. De plus en plus de personnes doivent gérer quotidiennement un « agenda de Ministre » et ne trouvent pas dans l’offre de transport en commun actuelle une alternative crédible à leurs besoins de déplacements, que ce soit en termes de destinations accessibles, de fréquence ou d’amplitude horaire.
Alors, n’oublions pas que l’offre crée la demande (un peu de lecture ici). Tant pour les services de bus (TEC) que pour les services ferroviaires (SNCB), une vision pour la reconfiguration et le développement de l’offre est attendue (à lire ici et ici). Il est possible de faire mieux avec les mêmes moyens budgétaires mais il est surtout nécessaire de faire beaucoup mieux avec un peu plus de moyens. Se priver de recettes rendra la tâche plus ardue.