Le 21 janvier 2023, Willy Borsus, Vice-Président du Gouvernement wallon, déclarait dans la presse, à propos du permis d’environnement de l’aéroport de Bierset et de la limitation du nombre de vols opérés à l’aéroport : « Un Gouvernement n’a pas pour vocation de détruire ce qu’il a lui-même mis des années à construire, et à construire avec succès ». La formule est belle et percutante. Ce 26 janvier, Canopea a eu l’opportunité de dire au Gouvernement wallon que sa vocation n’était pas non plus de détruire le climat planétaire.
Il n’est certes ni agréable ni confortable de remettre en question des choix passés, qu’ils soient personnels ou collectifs. Mais les contextes peuvent changer. Notre monde évolue. Et de plus en plus vite. Il y a 30 ans, en réponse au déclin de sa sidérurgie, la Wallonie posait le choix de développer les deux aéroports régionaux. Ce choix n’a jamais été remis en question par le Gouvernement. On a vu, avec la sidérurgie justement, quel était l’énorme coût social et économique du refus de la remise en question, du refus de « détruire ce que l’on avait construit », du manque d’anticipation. Après 30 années, et au vu de l’évolution des enjeux environnementaux, le temps de la remise en question du développement aéroportuaire n’est-il pas venu ? La reconversion anticipée n’est-elle pas préférable à un arrêt brutal imposé par un contexte en mutation ?
La destruction de la biodiversité et du climat planétaire met l’humanité face à un choix qu’elle n’a jamais rencontré : changer ou périr. Il s’agit ni plus ni moins de parvenir à maintenir des conditions de viabilité pour l’espèce humaine sur notre planète. Le développement des activités aériennes est incompatible avec le maintien de ces conditions de viabilité. L’agence wallonne de l’air et du climat (AWAC) est très claire à ce propos dans l’avis négatif qu’elle a remis dans le cadre de l’instruction de la demande de permis d’environnement de Liège Airport. Les émissions de CO2 liées aux activités que l’aéroport ne gère pas directement (et qui sont donc gérées par les sous-concessionnaires, transporteurs en tête) sont 358 fois plus élevées que les émissions qu’il génère directement. L’AWAC souligne à raison que même si les émissions de l’aviation internationale ne sont pas incluses dans les objectifs de réduction des émissions wallonnes, il convient de les comptabiliser pour évaluer les effets indirects de l’aéroport sur le climat. L’AWAC rappelle également que le Programme des Nations Unies pour l’Environnement recommande de limiter l’expansion des aéroports et que les pays voisins initient des politiques de limitation du trafic aérien.
Dans ses cahiers, Montesquieu notait : « Si je savais quelque chose utile à ma famille, et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie, et qui fût préjudiciable à l’Europe, ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au Genre humain, je la regarderais comme un crime. » A refuser de « détruire » le modèle aéroportuaire construit ces 30 dernières années, le Gouvernement wallon se condamne malheureusement à participer activement à la destruction du climat planétaire.
Ce 26 janvier, le Gouvernement wallon auditionnait les riverains de l’aéroport (le CLAP), le collectif Stop Alibaba & Co et Canopea. Notre fédération a donc eu l’occasion de présenter aux Ministres l’analyse qui précède. Rappelant les paroles d’Antonio Gutteres lors de son discours inaugural de la COP 27 (« Nous sommes sur l’autoroute vers l’enfer climatique, avec le pied sur l’accélérateur »), Canopea conclu son intervention en demandant au Gouvernement de lever le pied de l’accélérateur.