Un SDT qui nous veut en bonne santé

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Quel est le rapport entre « services écosystémiques », « espaces publics de qualité », « infrastructures vertes » et « ville et village à dix minutes » ? Ces notions, qui font partie du nouveau vocabulaire du Schéma de Développement du Territoire, ont aussi en commun de favoriser la bonne santé. Les examiner de près montre que, du même coup, elles favorisent la cohésion sociale. C’est Noël !

Les services écosystémiques, la qualité du cadre de vie, la biodiversité et la mobilité active vont souvent main dans la main, dans le texte du Schéma de Développement du Territoire (version pdf du texte du SDT, à épingler parmi vos favoris). Dans la partie introductive, notamment la vision, page 24 et suivantes, mais aussi dans les défis sociétaux, ou encore dans le détail concret des mesures de mise en œuvre, les liens avec la santé sont récurrents. Même s’il n’impose rien, n’étant pas contraignant, le SDT amène forcément à prêter davantage d’attention à ces aspects et à les prendre en compte dans les projets d’aménagement du territoire et d’urbanisme.

Renforcement de la sécurité, raccourcissement des distances

Du moment qu’ils visent la réduction de la dangerosité de la circulation automobile et sont aménagés de façon à encourager la marche, les espaces publics dits « de qualité » contribuent de manière décisive à une meilleure santé de la population, cela tombe sous le sens. De même pour le concept de « ville ou village à dix minutes ».

Il est en effet crucial de pouvoir se déplacer autour de chez soi en sécurité, de pouvoir faire des démarches importantes, utiles ou agréables, SANS devoir systématiquement passer par la case voiture / bus / train / moto / embouteillage / debout dans un gros truc bondé et embué / arrêt isolé sur le bas-côté entre champs de maïs et Nationale à quatre voies. Pensez à la manière dont la plupart des quartiers de nos localités sont reliés entre eux, et vous comprendrez qu’il reste beaucoup de travail à faire…

Il y aura, à la clé, un mieux-être mental et social autant que physique : a priori, des voiries apaisées, bien éclairées et faciles à pratiquer à pied ou en voiturette, permettront aux gens de circuler efficacement en modes actifs, que ce soit pour aller rendre visite à d’autres gens, faire des courses, se promener, bref, vivre !

Les communes qui souhaitent repenser la sécurisation et le confort de leurs espaces publics verront que ces notions jouent un rôle dans le SDT. Il valorise le soin accordé aux finitions des abords, au choix du mobilier public en fonction de l’ensemble des usages, et au raccourcissement des distances, toutes choses qui n’étaient pas vraiment considérées comme prioritaires jusqu’à présent par le monde politique. Ceux et celles qui y avaient déjà accordé de l’intérêt et des investissements ont servi de poissons-pilotes. Leur expérience a payé : davantage de sécurité et de confort dans l’espace public, cela favorise le bien-être mental et physique des riverain.es, mais aussi les visites, le tourisme, et l’image de marque d’un lieu.

Si je peux me permettre quelques conseils complémentaires, pour une rénovation des espaces publics qui favorise vraiment la santé physique et mentale de toutes les parties prenantes ?

  • Il faut travailler avec l’existant pour limiter autant que possible la facture et le bilan d’énergie grise. Tenir compte de l’infrastructure existante amène en outre à donner au projet une configuration locale, individualisée, qui contribue à orienter et reconnaître l’identité du lieu : rénover sans rendre anodin, ni similaire à 1000 autres, diminue sensiblement le risque de « dépression géographique », au sens psychologique.
  • Il faut choisir la polyvalence, c’est-à-dire les matériaux, les profils et les tracés qui rempliront plusieurs rôles, pour plusieurs types d’usages.
  • Il faut choisir la sobriété, qui permet de faire plus avec moins, et la robustesse, qui permet d’assurer une longue vie à l’équipement, notamment sur le plan des réparations.
  • Il faut prévoir, dans le détail, le calendrier de chaque chantier. Avec une durée un peu exagérée, de façon à finir dans les temps mais aussi à s’assurer que l’ensemble des conséquences et contraintes du chantier soient bien prises en compte : mobilité active, commerces, accessibilité, nuisances, charroi des engins, destination des terres de déblai, protection des végétaux en place, crises d’approvisionnement, conflits, etc.
  • Il faut organiser une information approfondie en amont, où toutes les parties prenantes peuvent se rencontrer, avec présentation du calendrier « exagéré » décrit ci-dessus. Elle sera garante d’un déroulé beaucoup plus heureux, avec pour conséquence une meilleure santé de toutes les personnes impliquées, de près comme de loin.

En cette période de difficultés budgétaires et d’augmentation des prix des matières premières, investir dans des espaces publics de qualité reste un pari coûteux à court terme mais qui sera gagnant pour l’ensemble de la population.

Services écosystémiques (SE) et infrastructures vertes (IV)

Le texte du SDT associe volontiers les notions de service écosystémique et d’infrastructure verte. Une association que l’on retrouve dans la Déclaration environnementale qui accompagne le SDT. Attention cependant à ne pas confondre les deux concepts !

Le lien entre SE et IV est décrit dans la mesure SA6.P9 :

« Les infrastructures vertes développent des services écosystémiques sur l’ensemble du territoire. Elles assurent notamment une transition entre les espaces agricoles, forestiers, naturels et urbanisés. Elles sont, en particulier, renforcées dans les centralités et en bordure tant des centralités que des cœurs excentrés, en cohérence avec l’analyse contextuelle ».

« Infrastructure verte » est une création européenne déclinée via le SDT dans la réglementation régionale. Voici mot pour mot la définition officielle (page 246 du SDT, Glossaire) :

« L’infrastructure verte

Réseau constitué de zones naturelles et semi-naturelles et d’autres éléments environnementaux faisant l’objet d’une planification stratégique, conçu et géré aux fins de la production d’une large gamme de services écosystémiques (Commission européenne, 2013).»

Le SDT donne aussi la définition des Services écosystémiques dans son glossaire (page 252) :

« Services écosystémiques

Ensemble des avantages apportés à la société par l’ensemble des êtres vivants (biocénose) et les milieux naturels dans lesquels ils vivent (biotope). Ils se distinguent selon trois catégories : les services de production (fourniture d’aliments, d’énergie, de matériaux…) ; les services de régulation (protection contre les inondations et les îlots de chaleur, épuration de l’air et de l’eau, …) et les services socio-culturels (qualité de vie, loisirs en plein air…). »

En complément, j’aime beaucoup cette définition mise en ligne par Emily Greenfield qui rappelle que la santé humaine et la santé environnementale sont inséparables :

« Les services écosystémiques sont les divers avantages que les humains tirent des écosystèmes naturels. Ces services sont cruciaux car ils améliorent directement ou indirectement notre bien-être social et notre qualité de vie. Le concept de services écosystémiques a été reconnu plus formellement au cours des dernières décennies, mettant en évidence le lien intégral entre le bien-être humain et la santé de nos environnements naturels. »

On a bien besoin des services écosystémique !

Indiscutablement, le SDT exprime la prise de conscience quant à l’importance des services écosystémiques, puisque la première évocation des différents types de services écosystémiques donne comme exemple la lutte contre les îlots de chaleur et la lutte contre les inondations, à la page 26.

Les services écosystémiques figurent, avec la biodiversité, à la 9e place des douze défis à relever par la Wallonie, que le Gouvernement avait identifiés dans sa DPR 2019-2024, pour faire de la Wallonie « une terre de transition écologique, sociale, économique et démocratique. Cette transition permettra d’aboutir à un nouveau modèle de société dans lequel les Wallonnes et les Wallons vivent mieux et plus heureux. »

Le SDT exprime le 9e défi dans les termes suivants :

« 9. Développer, restaurer et préserver la biodiversité

La biodiversité s’érode en raison des pressions que l’activité de l’homme exerce directement ou indirectement sur elle. La Wallonie doit protéger son patrimoine environnemental, réduire les menaces sur les milieux naturels et les espèces et développer les services écosystémiques. »

Un dessin met en avant (p.44) la préservation des services écosystémiques pour concrétiser le principe de mise en œuvre « Développer le territoire en consommant moins de sol ». Il s’agit de la mesure « Réduire les impacts de l’artificialisation des terres en recentrant, consolidant ou en restructurant » (SA.1.P7), qui établit clairement le lien entre la non-urbanisation et la possibilité de se développer pour les services écosystémiques (fondement du Stop Béton).

Le SDT envisage les SE comme des alliés de choix, notamment en termes d’adaptation aux changements climatiques et de diminution d’exposition aux risques : « SA5.E2 La gestion du territoire doit s’inscrire dans une culture de gestion globale et systémique des risques. La gestion des risques, notamment climatiques, doit s’appuyer sur des services écosystémiques et les renforcer » (p.86).

Le développement de cette idée se retrouve dans la mesure SA5.P3 : « La politique de gestion des risques ne repose plus exclusivement sur des infrastructures permettant de résister aux aléas (par exemple la construction d’une digue pour empêcher l’inondation), mais aussi sur des infrastructures, en ce compris les infrastructures vertes, permettant d‘atténuer leur intensité (par exemple la création d’une zone d’immersion temporaire, l’adaptation des constructions ou encore l’établissement d’espaces verts en ville pour combattre les îlots de chaleur). Elle prévoit également par nécessité des limitations de l’urbanisation pour maîtriser l’ampleur des risques connus et anticipables sur le territoire. Dans les espaces soumis aux risques, les aménagements tiennent compte et développent des services écosystémiques dont en particulier ceux qui régulent naturellement les effets des changements climatiques. La multifonctionnalité (accueil de biodiversité, amélioration du cadre de vie, loisirs, etc.) des espaces de régulation est encouragée en particulier dans les centralités et les cœurs excentrés. Des infrastructures vertes sont développées et les cours d’eau sont mis en valeur dans les centralités urbaines en vue de réguler les risques. La mise en place d’éléments mémoriels relatifs aux catastrophes naturelles passées est également encouragée dans l’espace public afin de conscientiser et sensibiliser la population quant aux vulnérabilités des espaces urbanisés. »

L’aspect anticipatif est illustré dans la mesure SA5.P5 : « Afin de ne pas aggraver l’ampleur des risques d’inondation, l’aménagement du territoire et les projets urbanistiques limitent l’imperméabilisation des sols (…) et préservent plus largement les services écosystémiques de régulation. »

La mesure SA5.M7 tente pour sa part de ménager « les espaces fortement impactés par les conséquences des changements climatiques, en particulier ceux soumis aux risques d’inondation et d’îlots de chaleur [en tenant] compte des ressources et des besoins du territoire (pluri)communal en termes de services écosystémiques de régulation. »

De même, avec le principe « Utiliser les ressources du territoire de manière raisonnée », la mesure SA1.P10 souligne que « Les interactions entre les milieux urbanisés et les terres agricoles, forestières et les milieux naturels sont améliorées de manière à garantir et développer localement les services écosystémiques. »

J’y décèle un aspect de réciprocité qui me paraît très important. Les services écosystémiques ne doivent pas être enfermés dans une approche utilitaire, ni à sens unique.

Il existe en effet un risque à vouloir monétiser les services écosystémiques. L’un des dangers les plus évidents de la monétarisation, c’est la définition d’une échelle de valeur avec des prix qui pourraient rendre ces services tout à fait inaccessibles à la population. Un autre est le risque de voir encore grandir la prédation des espèces naturelles. Comme l’explique Cairn-Info : « Ce n’est pas que le « capital naturel » qu’il faut préserver, mais aussi la qualité des rapports des hommes entre eux et avec l’environnement (…) afin d’assurer leurs conditions de vie et de bien-être. On voit bien que la connaissance de la capacité de la nature à fournir des services est indispensable pour s’aventurer sur la question de leurs valeurs. » Et encore : « Les processus écologiques (fixation de l’azote, épuration de l’eau, etc.) sont indispensables aux sociétés humaines. Mais on ne peut prétendre les protéger uniquement pour des raisons utilitaires ». Il serait, selon le même article, tout aussi contreproductif de vouloir les évaluer ou les prioriser les uns par rapport aux autres : « Où sont les limites de cette évaluation ? (Problème des assurances, pollinisation, prix de l’eau, énergie, etc.) ».

Dès lors, je me réjouis de lire, dans les Mesures de suivi, que la protection de la biodiversité fera désormais partie intégrante des procédures :

« SA6.M1

Traiter dans le référentiel relatif à l’aménagement des centralités des thématiques de la protection, la valorisation et la régénération de la biodiversité. »

« SA6.M2

Lors des révisions du plan de secteur :

• Prendre en considération et intégrer le maillage écologique, les liaisons écologiques ainsi que le développement de services écosystémiques ;

• Tendre à une amélioration du potentiel d’accueil de la biodiversité, des continuités écologiques et des transitions entre les zones urbanisables et non urbanisables. »

Dynamiques métropolitaines

Sur le plan de la reconnaissance, le fait que la biodiversité soit considérée par le SDT comme un atout capable de consolider les dynamiques métropolitaines en Wallonie, est un signe de changement de mentalité extraordinaire.

La nature ne serait donc plus l’empêcheuse de développer en rond, elle serait le catalyseur d’une nouvelle manière d’appréhender le développement économique :

« AI1.P3 Les dynamiques métropolitaines sont consolidées par un renforcement des services économiques, productifs, culturels, académiques dans les aires de développement métropolitain. »

Renforcer la cohésion sociale

Le SDT repose sur des mesures de mise en œuvre concrètes qui entendent contribuer à atteindre des objectifs qui favorisent le bien commun et le mieux-être. Les services écosystémiques, comme la ville et le village à dix minutes, sont bons pour la santé. Cependant, il ne suffit pas d’énoncer « espaces publics de qualité » pour voir sous nos yeux les trottoirs se transformer, ou « service de régulation » pour que les terrains urbanisés repassent à l’état d’espaces naturels où l’eau peut s’épancher et doucement s’infiltrer. Dans un contexte global où les inégalités environnementales sont patentes et reconnues à l’échelle wallonne, il y a du pain sur la planche pour renforcer la cohésion sociale. Et ce, jusqu’à l’intérieur des communes. Il n’est pas rare que le centre ancien souffre de promiscuité, d’îlots de chaleur, d’exposition au risque d’inondation, de mauvais accès aux espaces verts, de congestion automobile, pendant que sa proche périphérie se vante d’échapper à tous ces maux mais subit des nuisances plus imperceptibles, comme l’exposition aux pesticides, l’urbanisation des zones de sources ou la suppression des arbres et haies anciens, etc. Une déclinaison du SDT dans un SDC adapté aux réalités communales doit permettre de faire face à ces disparités.

Pour aller plus loin

  • Définition des services écosystémiques, selon l’Etat de l’Environnement Wallon
  • Projet Wal-ES 
  • Projet InVEST : InVEST est une suite de modèles utilisés pour cartographier et évaluer les biens et services de la nature qui soutiennent et satisfont la vie humaine. Il permet d’explorer comment les changements dans les écosystèmes peuvent entraîner des modifications dans les flux de nombreux avantages différents pour les personnes. InVEST est l’acronyme de : “Integrated Valuation of Ecosystem Services and Tradeoffs” (Evaluation intégrée des services et bénéfices écosystémiques).
  • Des articles et des sites consacrés aux bienfaits de la marche :
  • Liste des axes d’un urbanisme favorable à la santé :
    • La réduction des émissions et expositions aux polluants et nuisances, notamment en protégeant et valorisant les milieux et ressources naturelles.
    • La promotion des modes de vie favorables à la santé, notamment l’activité physique et l’accès à une alimentation saine et durable.
    • La promotion de la cohésion sociale et du bien-être des habitants, en veillant à proposer des offres adaptées en matière de logement, de mobilité et d’activités sociales.
    • L’attention à l’accès aux soins et aux services socio-sanitaires et faciliter l’accès à l’emploi
    • La réduction des inégalités de santé entre les groupes socio-économiques et une attention particulière portée aux personnes vulnérables.
    • La mise en place de stratégies et d’actions favorisant l’intersectionnalité et l’implication de l’ensemble des acteurs concernés, y compris la population.
    • La prise en compte de l’évolution des modes de vie et de l’adaptabilité des projets face aux évolutions sociétales et environnementales.
    • L’articulation des différentes politiques publiques (logement, cohésion sociale, espaces verts, etc.) au regard de leur impact sur la santé.

Crédit image d’illustration : Adobe Stock

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