Un sommeil tranquille ? Pas avant une bonne décennie !…

C’est officiel : l’accord dégagé il y a deux semaines entre le rapporteur du Parlement européen et les États-membres reporte de quinze ans l’introduction de véhicules routiers plus silencieux sur nos routes. Transport et environnement dénonce ce compromis qui fait la part belle aux souhaits de l’industrie automobile, foulant aux pieds la santé des citoyens européens. Seule possibilité de sortir de l’impasse : un rejet de cet accord lors de son vote par la Commission environnement et la plénière du Parlement Européen.

Depuis plus de 20 ans, les européens attendent que les normes sonores des véhicules routiers soient réduites. La législation en discussion devait répondre à cette attente. Las. La réduction globale des émissions sonores de 2,6 dB pour tous les nouveaux véhicules mis sur le marché commencera en 2014… mais ne sera pleinement effective que 15 ans plus tard. Alors que la proposition initiale de la Commission Européenne prévoyait une réduction de 3,4 dB et une introduction complète en 7 ans. Eh oui : l’accord actuel est 25% moins ambitieux et sera atteint deux fois plus lentement que la proposition de la Commission ! Et considérant le taux de renouvellement du parc européen, il faudra 30 ans pour bénéficier entièrement de la réduction des niveaux de bruit émis par les véhicules routiers.

Le comble du dossier ? Près d’un quart des véhicules et un tiers des camions testés ces cinq dernières années répondent déjà à ces futurs standards. Pourquoi, dès lors, tant de frilosité de la part des constructeurs, tant de manœuvres pour vider de toute substance la future législation ? Pour répondre à cette question, il faut être conscient de deux éléments. D’une part, l’industrie (tout comme les individus) cherche toujours à s’affranchir des contraintes jugées trop « sévères ». D’autre part, l’établissement des positions de compromis au sein de l’industrie automobile n’échappe pas à la règle quasi universelle du nivellement par le bas (ou par le haut des émissions sonores dans ce cas). Ce sont les constructeurs pour lesquels le « beau bruit » des véhicules est un argument de vente qui déterminent la position de l’industrie sur ce dossier. On se souviendra ainsi qu’un collaborateur de la firme Porsche avait écrit les propositions d’amendements défendues par le rapporteur du Parlement européen.

44% des citoyens européens sont exposés à des niveaux de bruit des transports qui représentent un risque sérieux pour leur santé. Maladies cardiovasculaires, asthme, perturbation du sommeil sont quelques exemples des maladies liées à l’exposition au bruit des transports. Les bénéfices de la réduction de ces émissions sonores ne font aucun doute, et surpassent largement les coûts de leur mise en œuvre. Un rapport indépendant, publié au mois de septembre, étudiait l’impact des différentes propositions. La proposition initiale de la Commission représentait un bénéfice pour la société d’environ 190 milliards d’euro, et un coût pour l’industrie automobile de 7 milliards. Le compromis adopté cette semaine n’apporte que 123 milliards de bénéfice, pour un coût de 5,7 milliards pour l’industrie. 67 milliards de coûts pour la société, pour en économiser 1,3 à l’industrie. Délirant non ?

Par ailleurs, et comme le souligne T&E dans son communiqué de presse, il est scandaleux qu’en période d’austérité, les décideurs imposent un fardeau supplémentaire à la société et aux budgets gouvernementaux, tout en déchargeant allègrement l’industrie de ses responsabilités. L’accord conclu fait plus pour protéger les fabricants de véhicules que la santé des citoyens européens.

Valérie Xhonneux

Anciennement: Santé & Produits chimiques