C’est un petit coup de tonnerre qui a résonné la semaine passée: une étude officielle, réalisée pendant trois ans, a mis en evidence les nombreuses infractions des entreprises aux législations européennes sur les substances chimiques toxiques. Au vu des impacts sanitaires de ces molécules sur la baisse de fertilité, ou l’augmentation du risque de cancers, entre autres maladies, on est en droit de s’interroger sur l’opportunité de la tactique choisie par les entreprises concernées.
D’après l’étude publiée par le BfR et l’Agence Allemande pour l’Environnement (disponible ICI), un tiers des 1,814 substances « à haut tonnage », fabriquées ou importées dans l’Union Européenne depuis 2010 est en infraction avec les législations européennes visant à protéger les citoyens et l’environnement de leurs conséquences néfastes. Un tiers seulement a été déclaré comme respectant la législation, le tiers restant nécessitant une analyse approfondie.
Les entreprises concernées ne négligent pas une législation anodine. C’est le règlement REACH qui n’est pas respecté, les entreprises manquant à leurs obligations de notification à l’ECHA quant aux dangers (caractère neurotoxique, mutagène, bioaccumulatif, toxique pour la reproduction, etc.) liés aux molécules utilisées. Des millions de tonnes de ces substances sont donc rentrées dans le circuit de production de biens, des peintures aux emballages, des meubles aux matériaux de construction, depuis 2010. Or, les effets de ces molécules toxiques ne sont pas anondins. L’exposition par la bouche, la peau ou les poumons augmente le risque de maladies comme le diabète, le cancer (et notamment les cancers hormono-dépendants), ainsi que les maladies neurodéveloppementales (En savoir plus).
L’étude publiée par le BfR et l’UBA constitue un acte indispensable de la part des autorités publiques dans le contrôle de la mise en œuvre de la législation. Aucune autre autorité nationale n’a réalisé ce type de recherche depuis des années. Mais malgré le niveau élevé d’infraction, aucune action visant à renforcer le respect du règlement n’est prévue à court terme. Un document de « guidance » – volontaire- sera rédigé, et un dialogue avec le secteur enclenché l’année prochaine.
Que de telles infractions soient ainsi tolérées, plus de 10 ans après l’adoption du règlement, et alors que la Commission elle-même a demandé à l’ECHA et aux Etats-Membres d’élever leurs niveaux d’exigence (notamment dans ce Staff Working Document), afin de ne pas mettre en péril plus longtemps l’atteinte des objectifs de protection de la santé et de l’environnement, laisse sans voix.
Une solution plus structurelle à ces problématiques constitue sans doute la meilleure manière de répondre aux difficultés récurrentes du Règlement à concrétiser ses promesses. Malheureusement, la rédaction de la stratégie pour un environnement non toxique, qui doit être publiée avant la fin de cette année, semble être au point mort…. Les substances chimiques toxiques semblent donc avoir encore de beaux jours à vivre dans nos produits quotidiens.