Le 24 octobre dernier avait lieu, au Parlement européen, un vote sur le texte de la « Résolution du Parlement européen du 24 octobre 2007 sur la stratégie communautaire de réduction des émissions de CO2 des voitures et véhicules commerciaux légers ». Etat des lieux « politique » de la question.
Avant de se lancer: le document adopté à l’issue du vote (P6_TA-PROV(2007)0469) est téléchargeable en cliquant ici.
Nous avons déjà traité plusieurs fois de ce sujet sensible. La mise en place de normes CO2 contraignantes pour les voitures constitue un important levier pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports. Le vote au Parlement, même s’il ne concernait « que » une résolution (sans effet légal), revêtait une importance que l’on peut qualifier de « stratégique ». L’industrie automobile avait, pour l’occasion, développé un lobby de grande envergure. Le but : retarder autant que faire se peut l’entrée en vigueur de normes contraignantes et les rendre les plus « douces » possibles. Les environnementalistes, avec des moyens beaucoup plus modestes, poursuivaient les objectifs inverses… La fédération Inter-Environnement Wallonie était sur le front. L’avant-veille du vote, nous écrivions un courriel aux eurodéputés belges francophones (Mesdames Corda Giovanna (PS), De Keyser Véronique (PS) et Ries Frédérique (MR) – Messieurs Busquin Philippe (PS), Deprez Gérard (MR), Duquesne Antoine (MR), Hutchinson Alain (PS), Jonckheer Pierre (Ecolo) et Langendries Raymond (cdH)) pour leur demande de relayer nos préoccupations : « Réduire la consommation des voitures neuves – et donc leurs émissions de CO2 – est la mesure politique la plus porteuse, la plus « rentable » que l’EU peut prendre pour à la fois combattre les changements climatiques, réduire la dépendance au pétrole et accélérer les investissements dans les technologies bas carbone en Europe ». Nous demandions notamment aux eurodéputés de soutenir un objectif de 120 gCO2/km en 2012 applicable aux véhicules seuls (sans prise en compte de « mesures complémentaires dans le cadre d’une approche intégré »), des objectifs à long terme de 80 g/km en 2020 et 60 g/km en 2025, le principe de pénalités rigoureuses, et de rejeter un système de catégories basé sur le poids des véhicules (voir pdf joint à l’article).courrier d’inter-environnement wallonie aux eurodéputés belges
Avouons-le, cette fois, nous ne faisions clairement pas « le poids ». Les eurodéputés ont, en majorité, voté dans le sens voulu par l’industrie. Tout n’est pas joué, cependant. La Commission doit, en ce mois de décembre, publier une proposition de Directive qui sera ensuite examinée par le Parlement et le Conseil des ministres. Selon la formule consacrée, une bataille a été perdue –mais non la guerre !
Le vote du 24 octobre est intéressant à plus d’un titre. Il permet d’abord de se rendre compte que la « discipline de groupe » fonctionne très bien au Parlement, et que rare sont ceux qui s’écartent de la ligne suivie par leur parti (à titre indicatif, pour le groupe ALDE, seuls deux députés sur 96 ont voté « contre la ligne »). Parmi les groupes du Parlement européen, le vote s’est, en gros, joué ALDE (groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe) et PPE-DE (groupe du Parti populaire européen (Démocrates-chrétiens) et des Démocrates européens contre PSE (groupe socialiste au Parlement européen) et Verts/ALE (groupe des Verts/Alliance libre européenne). Les premiers avec, notamment, l’appui de UEN (groupe Union pour l’Europe des Nations), les seconds avec, notamment, l’appui de GUE/NGL (groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/gauche verte nordique).
Le vote du 24 octobre permet également de voir comment se positionnent les différentes formations politiques belges par rapport à cette thématique. Parmi les différents amendements votés le 24 octobre, relevons-en deux.
L’amendement « 42 », qui proposait de reculer (encore !) l’entrée en vigueur des normes contraignantes, pour les fixer à 125 gCO2/km en 2015. Ceci rencontre pleinement les desiderata de l’ACEA (association des constructeurs automobiles européens) qui estime que « un objectif de 130 gCO2/km en 2012 pour les véhicules seuls tel que proposé par la Commission européenne n’est pas réalisable ». Rappelons qu’une communication de la Commission européenne faisait, en 1995, état d’un objectif de réduction de 120 g/km à l’horizon 2005. Le Conseil européen avait, en 1996, souhaité postposer à 2010. Les « accords volontaires » passés avec l’industrie automobile avaient été l’occasion d’un nouveau report à 2012. Jusqu’à ce que, cette année, la Commission propose de garder 2012, mais de remonter l’objectif à 130 g/km… Au niveau des députés belges francophones, madame Ries (MR – groupe ALDE) et messieurs Deprez (MR – groupe ALDE) et Langendries (cdH – groupe PPE-DE) ont voté « pour » cet ultime report, Mesdames Corda et De Keyser (PS – groupe PSE) et messieurs Busquin et Hutchinson (PS – groupe PSE) et Jonckheer (Ecolo – groupe Verts/ALE) ont voté « contre ».
L’amendement 43/1 visait à établir un objectif à long terme de 80 gCO2/km à l’horizon 2020. Les votes des députés belges francophones sont tout aussi nets : Ecolo et PS sont en faveur de cet objectif à long terme, MR et cdH y sont opposés. La résolution du Parlement fait finalement état d’un objectif de 95 gCO2/km à l’horizon 2020…
Si lutter contre le climat peut et doit se faire « ici et maintenant », cela est bien évidemment valable tant pour les citoyens que pour les élus. Il n’est pas aisé de « faire le pas » seul et, par exemple, de délaisser sa voiture au profit de son vélo sans y être peu ou prou « forcé » par un travail de conscientisation. De même, il n’est guère aisé, pour les députés (régionaux, fédéraux ou européens), de prendre en compte les enjeux climatiques dans tous leurs actes d’élus. Aussi, n’hésitez pas à les contacter pour leur faire part de vos attentes.