Ce n’est pas tous les jours qu’il faut employer les grands moyens. Une fois par an… allez, ça peut encore faire de l’effet. Puisque le Gouvernement wallon obtient une note globale très basse en matière de ménagement du territoire, je me dis qu’il serait peut-être bon de lui rappeler ce que nous voulons défendre quand nous disons « Stop Béton ! » et pour qui / pour quoi nous le disons. Mais au lieu de le dire avec les mots habituels d’IEW, j’emprunte ici le ton de Guillermo Guiz, dans une fausse chronique en hommage à Rachel Carson, et en hommage à Ernesto lui-même.
Ca va les amigos ? (Nagui, Leïla Kaddour-Boudadi, Daniel Morin, en choeur : « Ouiiiii ! »)
Vraiment, c’est vraiment exceptionnel, mais, aujourd’hui, je vais vous demander votre avis.
(Guillermo change de voix) : « Quoi, mais c’est pas possible, en arrivant tu as déjà demandé du gel ! Et puis quoi, encore ? Un caleçon propre ? » Merci, merci les amis, de vous souvenir du vocabulaire belge, pour ce qui concerne le linge de corps. Mais, non, je vous rassure, après votre avis, je ne vous demanderai plus rien. De toute façon, je sais que je suis un peu l’exclu, autour de cette table. Tout ça parce que mon nom manque de A…
Donc, je ne m’attends pas au meilleur venant de vous, je sais que vous avez déjà tout donné quand Vincent Lindon est venu la semaine passée et que j’ai raté ça. La faute au fait que j’habite en zone rouge foncé. Je suppose que c’est parce qu’il y a déjà une ville qui s’appelle « Bordeaux » qu’on n’a pas choisi ce nom de couleur pour la zone à risque élevé.
Tiens, c’est bizarre, pour la ville d’Orange, ils ne se sont apparemment pas posé la question…
C’est vrai qu’au retour des vacances au soleil, tous les Belges en voiture passent au moins huit heures par Orange dans les embouttes. Alors, leur demander (accent type Dijon-Valence) : « Vous revenez de Zone orange ? » ou « Vous revenez de la région d’Orange ? », c’est kif. Ils vont quand même s’énerver et vous répondre :
« Ton PCR, tu te le mets dans le tûûût dans les grandes largeurs, et j’espère que ça pique. »
Bref, les amis, je veux juste vous demander votre avis sur un bouquin que vous n’avez sûrement pas lu. C’est pas comme si vous courriez après ça, la lecture.
Après tout, les filles de 14 ans, c’est déjà assez fatiguant, du moins si j’en crois les soupirs de Tanguy Pastureau, et le souffle au cœur qu’on lui a détecté – j’ai vu le fax sur le bureau de Nagui mais je ne lui ai pas encore dit, je sais garder un secret médical, moi.
Le livre s’appelle « Silent Spring », de Rachel Carson et il date de 1962. Il a beau être beaucoup plus vieux que moi, il n’a pas pris une ride, mais alors là, pas une seule, au point de donner aux Docteurs Botox l’envie de crever dans un accoudoir d’autocar.
Rachel, ça fait pas si longtemps qu’elle est morte et, du coup, le monde magique et feutré de l’internet lui a accordé quelques lignes de blogs. Ça n’a pas remonté ses étoiles chez Amazon, elle en avait déjà 5 de toute façon.
Ce qui est nettement mieux que Jean-Marc Morandini, avec son pas encore célèbre « Pourquoi j’ai fuit (sic) les micros ». Ben oui, quand on parle de silence, il y a qualité et qualité, quoi.
Bref, Rachel Carson disait dans son livre « Printemps silencieux », qui est à la Bible ce que la Bible est… à la Bible, que, quand le dernier oiseau se tairait pour toujours, on serait dans la merde.
Mais là, vous voyez, dans la merde jusqu’au-dessus de mon épi, pas juste sous la mèche, qui est l’endroit où les garçons de mon âge, à Bruxelles, trouvent que j’ai quand même beaucoup de sourcil. Non !!!
Jusque là, tout au-dessus de nos têtes, qu’on sera dans la merde. Et croyez-moi, aucun de nous n’est prêt à être dans la merde à ce point-là.
Pas même Daniel, qui n’a qu’une demi-heure de trajet chaque jour pour rentrer chez lui, le temps de chercher son chemin dans les couloirs de Radio-France jusqu’au réduit technique qu’il partage avec une moppe, un seau et quarante-deux serveurs informatiques.
Il me le disait encore ce matin, Daniel : « – Qu’est-ce que c’est cool, il y fait chaud toute l’année, mais j’aimerais encore mieux s’il y avait un point d’eau ».
« Ben oui, Daniel, ceci explique cela. L’autostimulation par court-circuit, tu y auras droit plus tard, faut savoir être patient pour avoir une augmentation, regarde Fanny Ruwet. C’est peu dire qu’elle essaye, tu vois !? »
(Guillermo distribue les feuilles)
Je vous en ai fait des copies, à la main, de quelques passages. Chacun son paragraphe. Vous allez voir que ça déchire.
Oui, je sais, on ne s’imagine pas que j’écrive à la main, et au bic en plus…
Tout le monde croit que le bic, je me le mets dans la bouche pour gérer ma salive. Mais non, je suis aussi un mec simple, je lis, j’écris, et pendant que mon bic a servi à vous recopier des passages de « Printemps Silencieux », de Rachel Carson, j’utilisais un gros marqueur Artline pour coincer ma mâchoire.
C’est un conseil d’amie de Christine, Christine Lagarde. Avant-hier encore, elle me disait : « Ernesto, fils d’un Panini et d’une éclipse solaire, si tu cales bien le marqueur, tu obtiens exactement le même résultat ! »
C’est tout bête, il fallait y penser.
Heureusement que Christine, elle, elle y a pensé.
Vu que je crois avoir introduit avec suffisamment de contexte, j’en arrive au cœur de cette chronique, ma fameuse demande d’avis : lisez l’extrait que je vous ai recopié et parlons-en !
Ben oui, maintenant.
(Guillermo change de voix) : « – Quoi ! Lire un truc dans notre tête, passer un ou deux quarts d’heure à comprendre ton écriture qui est pire que ton élocution ? Laisser le silence s’installer à la radio ? Tu es fou ! On croira que Radio-France est en grève alors qu’il n’y a aucune autre grève nulle part aujourd’hui ! »
D’accord, j’ai sans doute trop anticipé sur vos capacités au niveau du tronc cérébral, et je m’en excuse.
Je vais donc vous dire à propos du livre de Rachel Carson ce que je pensais dans mon bain.
Si, si, si, je pensais, malgré que vous m’ayez plein de fois interrompu, qui, pour un gant de toilette, qui, pour le miroir que j’utilise pour examiner l’arrière de ma tête. Faudra, Nagui, faudra penser à me le rendre, j’en ai besoin. Parfois aussi pour me vérifier de profil, alors, les traces blanches, please, pensez à les enlever, sinon j’ai l’impression d’avoir mis des bandages.
Anyway, comme je disais, je pensais dans mon bain : Ma salle de bain est la seule pièce de mon appart à ne pas avoir de fenêtre. La chambre a une grande fenêtre, le salon deux grandes fenêtres, la cuisine, une petite fenêtre et une porte vitrée vers la terrasse. Mais la salle de bain a juste un trou vers le vide ventilé, la colonne humide au centre du bâtiment. Devant, il y a un hublot rond avec des lamelles obliques, qui fait que cette chronique commence vachement à ressembler à un billet de Thomas Gunzig.
Donc, pas de fenêtre. Alors, si je veux entendre les oiseaux, j’ouvre les fenêtres des autres pièces et je fais le moins de bruit possible dans mon bain.
J’avoue que, quand tu veux te laver un peu raisonnablement, c’est compliqué de faire ça sans bruit, comme me le disait Leïla en me rendant mon gant de toilette mouillé : « – Vas-y, fais-moi le dos, tu sais bien que j’y arrive difficilement. »
J’veux bien, Leïla, mais à un moment donné, les gants de toilette mouillés, ça se tord, il me reste quand même au moins ça de mon passage-éclair dans l’HoReCa.
Donc, comme je vous le disais, je pensais dans mon bain : « Je me lave vigoureusement, j’éclabousse, le mouvement d’une de mes cuisses déplace l’eau à grand bruit, et mon bruit recouvre le bruit du dehors. Que se passerait-il si le dernier oiseau chantait le dernier pTchsss (petit cri de mésange) juste au moment où je fais tout mon chambard ?
Après ça, j’aurais beau jeu de me vanter d’être propre. Déjà, c’est pas prouvé que le bain nettoie. « – La douche non plus. Tout dépend de comment tu te places sous elle », comme aime à le répéter notre réalisateur. Et chacun autour de cette table sait qu’il ne parle pas de lumière zénithale.
Enfin, bref, voilà, je pensais à Rachel Carson, à son printemps silencieux, et je me suis dit que j’aimerais tant qu’il ne commence jamais.
Je t’aime Rachel. Je vous aime, les oiseaux.
Allez, bonne émission les amis. »
Comme dit plus haut, il ne s’agit pas une chronique authentique de Guillermo Guiz. Ce texte est un hommage sous forme de pastiche assumé, qui a été transmis à l’intéressé. Sa chronique sur France Inter, « La drôle d’humeur de Guillermo Guiz » est archivée ici.
Le Bulletin à mi-mandat, publié par IEW :
La partie Territoire du bulletin à mi-mandat : https://www.canopea.be/wp-content/uploads/2021/11/3.MiMandat_Territoire.pdf
Printemps silencieux
Selon Wikipedia, « Silent Spring » (« Printemps silencieux ») s’est vendu à plus de deux millions d’exemplaires dans le monde. L’œuvre a contribué à la création de l’Agence américaine de protection de l’environnement en 1970 et à l’interdiction du DDT, pesticide dichlorodiphényl-trichloroéthane aux États-Unis en 1972. Rachel Carson « sema aussi les graines du mouvement écologiste ». L’ouvrage a été interdit en Chine pendant la révolution culturelle.
Le Manifeste No Nature No Future
IEW a cosigné avec le WWF et Natagora un Manifeste destiné au Gouvernement wallon, pour mettre l’accélérateur sur dix mesures dont les inondations ont dramatiquement confirmé l’urgence.
Voici les trois mesures demandées en aménagement du territoire :
- Définir, au niveau régional, les balises contraignantes sur base desquelles les permis d’urbanisme, d’urbanisation et permis unique pourront être délivrés. La majorité des permis sont délivrés par les communes et, pour la majorité d’entre eux, sans avis de la Région, ni vision stratégique du développement du territoire.
- Revoir les plans de secteur pour réduire les surfaces à bâtir et réorganiser leur répartition dans les zones où l’urbanisation est souhaitable. Il s’agit de trouver un meilleur équilibre entre le droit de la collectivité à disposer d’un territoire capable de faire face aux événements climatiques extrêmes et le droit de propriété privée menant à bâtir sur des terrains ayant été classés constructibles il y a parfois plus de 50 ans, alors que l’on ne parlait pas encore de dérèglement climatique.
- Modifier le Code du développement territorial (CoDT) de façon à limiter, voire interdire, la construction et l’imperméabilisation des sols en zone inondable, à la source des cours d’eau, en zone humide et en zone d’épanchement des cours d’eau. Il s’agit ici de revoir les critères d’exonération de permis, de privilégier systématiquement l’infiltration des eaux dans le sol, d’étendre à toutes les demandes de permis l’avis de l’organisme d’assainissement, de rendre contraignants les avis de la cellule GISER (Gestion Intégrée Sol – Érosion – Ruissellement) et du gestionnaire des cours d’eau.
Voici le lien pour signer, vous aussi, le Manifeste : www.nonaturenofuture.be
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