Wallonie : le conclave budgétaire ne peut oublier l’environnement 

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One euro coin on cracked surface. Concept of economic crisis in Europe, financial difficulties, inflation

Canopea avait rendu une analyse très critique de la Déclaration politique régionale du nouveau Gouvernement. Le budget wallon 2025 en cours de discussion depuis une semaine sera une occasion de corriger le tir et de montrer que la nouvelle majorité Azur n’a pas fait une croix définitive sur la préservation de la planète. 

Le respect du cadre européen semble condamner la Wallonie, comme le reste de l’Europe, à l’austérité budgétaire. C’est en outre la ligne politique de la majorité au niveau wallon. Canopea rappelle au Gouvernement que cela ne peut en aucun cas se faire au détriment des investissements publics massifs qu’exige la transformation écologique. Au niveau énergétique, notamment, ces investissements seraient bénéfiques pour l’ensemble de la société wallonne : investir dans l’isolation ou l’électrification, par exemple, permettrait non seulement de tendre vers un respect des objectifs de décarbonation, mais aussi d’alléger la facture à de nombreux égards, pour les citoyens comme pour la Région qui pourrait ainsi diminuer ses importations de combustibles fossiles et réduire sa dépendance énergétique.  

 « Ne pas investir serait le moins bon calcul que le Gouvernement puisse faire. Cela vaut pour le secteur des transports, le secteur résidentiel ou pour l’industrie. Seule l’excellence énergétique peut garantir une Wallonie compétitive et prospère » précise Sylvie Meekers.  

Le Gouvernement doit, dans un premier temps, cartographier les besoins en investissements publics pour la transition. Il est crucial que la Wallonie mette à jour ses scénarios de transition afin de définir, de manière solide, ce qu’il faudrait investir pour le futur, avec un phasage des investissements dans le temps à l’horizon 2030 et 2050. Ces montants seront importants et varieront énormément en fonction de la stratégie qui sera mise en place. Comme l’a calculé le SPF environnement, un scénario de transition qui fait la part belle aux changements de comportement de la population via la sobriété nécessitera moins d’investissements qu’un autre reposant exclusivement sur des solutions techniques. Il semblerait pourtant que ce deuxième scénario soit privilégié au niveau wallon (tout comme au niveau fédéral), en tout cas à la lecture de la Déclaration de politique régionale. On va donc devoir viser davantage le haut de la fourchette en termes d’investissements nécessaires !  

Sylvie Meekers souligne : « Il reste un flou sur les montants des investissements publics nécessaires. Ce qui est certain, c’est qu’ils doivent augmenter et que le retour sur investissement pour la région sera important. Un exercice de chiffrage est en tout cas nécessaire ». 

Un planning des investissements à long terme est nécessaire, tout comme le fait d’investir dès cette année dans de gros chantiers déjà identifiés depuis longtemps, notamment via le PACE. Pour Canopea, trois chantiers emblématiques permettent d’illustrer les besoins en investissement au niveau régional à très court terme :  

 Montant annuel estimé 
Rénovation (bâtiments privés et publics)  2,3 milliards (2025-2030)1 
Transport public TEC 1,3 milliard (2024-2028)2 
Infrastructure de mobilité douce 0,2 milliard3 

Ces trois chantiers portent déjà sur un montant de 3,8 milliards d’euros à imputer chaque année au budget de la Région. Et nous ne montrons ici que la partie émergée de l’iceberg. Des investissements sont également nécessaires dans bien d’autres domaines, tels que le réseau énergétique, la transformation industrielle (pour laquelle aucune évaluation n’est disponible), la restauration de la nature et de la biodiversité (également non chiffrée), …  

Au-delà des dépenses d’investissements, le conclave doit aborder la question des économies à réaliser. Là aussi, une approche environnementale permettrait d’atteindre un optimum sociétal. Malheureusement, une fois de plus, nous ne disposons pas de chiffres publics pour la Wallonie.  « L’évaluation des subventions fossiles a été faite par l’administration wallonne, mais ce rapport dort quelque part dans le tiroir du Ministre-Président et n’a jamais été rendu public. Voilà un rapport très opportun à prendre en compte dans le cadre du conclave ».   

Rappelons enfin que l’argent public ne peut pas être le seul levier d’une politique environnementale ambitieuse. Au contraire, comme le soulignait une étude récente réalisée sur l’effectivité des mesures de politique climatique4, la complémentarité entre les leviers d’action est cruciale (leviers réglementaires, de financement, de signal prix, de sensibilisation).  

Notes

1 Stratégie de rénovation 2020 : “Si l’on tient compte d’un effet levier moyen de 4 actuellement, le besoin d’investissements publics sur la période 2020-2050 s’élèverait à 30 milliards d’euros pour mobiliser les investissements nécessaires à la rénovation des bâtiments résidentiels175, et à entre 8,5 et 14 milliards d’euros pour la rénovation des bâtiments non résidentiels.” 

2“Le financement 2024 de l’OTW se porte à 960 M euros. Il s’agit du montant affiné et validé dernièrement. Le pallier 2023-2024 était la plus grande marche à franchir avec un saut budgétaire de 200 M euros par rapport à 2023. Les besoins financiers de l’OTW sont ensuite stables jusque 2028, année qui nécessitera un financement de 1.003 M euros (indexation comprise). […] Le montant des investissements OTW sur la période 2024-2028 est […] d’exactement 1.586 M euros. Les 3 principaux investissements concernent le matériel roulant (20%), les extensions du tram de Liège (18%) et les nouveaux bâtiments (14%). L’essentiel des BHNS se retrouve dans la 4e catégorie la plus importante que sont les sites propres et voies (8%). Les gares de correspondance représentent 4,2 % des investissements de l’OTW sur la période 2024-2028.”  Réponse de Philippe Henry à la question écrite n°596 (2023-2024) 1 : “L’impact budgétaire du contrat de service public de l’Opérateur de transport de Wallonie (OTW) pour la prochaine législature” posée par André Antoine. 

3Sur base de 27€/habitant/an dans les infrastructures cyclables, et autant pour les aménagements piétons et l’intermodalité (les infrastructures cyclables représentant 50% du PIMACI, contre 30% pour l’intermodalité et 20% pour les aménagements piétons). Pour comparaison, le budget du Plan vélo flamand est de 300 millions par an (uniquement pour le vélo !), soit 44€/habitant/an. Pour rappel, le budget annuel moyen de la Wallonie entre 2020 et 2024 était de 72 millions d’euros, soit 19,5€/habitant par an, c’est à dire plus de deux fois moins que la Flandre pour un territoire 25% plus grand. Le budget cyclable annuel moyen entre 2020 et 2024 a été rendu public dans une péponse de Philippe Henry à la question écrite n°471 (2023-2024) 1 : “La promesse de liquidation annuelle de vingt euros par habitant en matière de politique cyclable” posée par Julien Matagne. 

4https://www.actu-environnement.com/ae/news/etude-politiques-climatiques-combinaison-44608.php4

Canopea