Zéro carbone, zéro déchet, zéro pollution…l’urgence environnementale nécessite de placer au minimum le curseur des impacts de nos activités humaines. Comment traduire des objectifs qui semblent aussi radicaux en une ambition politique qui rassemble le plus grand nombre ? C’est le défi du prochain Green Deal européen.
En septembre dernier, Ursula von der Leyen, nouvelle présidente de la Commission européenne, affirmait toute l’importance que le défi climatique occuperait dans l’agenda européen. Avec une première promesse : dans les 100 premiers jours de son mandat, présenter un Green Deal pour une Union européenne climatiquement neutre d’ici 2050.
Il faut souligner que si ce Green deal est orienté « climat », les intentions sont bien d’y lier d’importants enjeux environnementaux : épuisement des ressources, érosion de la biodiversité, pollution de l’air, de l’eau, … En laissant de côté les pistes de mesures purement climatiques et de financement de la transition juste (taxe carbone, banque climat, etc.), arrêtons-nous sur deux intentions exprimées à travers ce Green Deal.
Objectif Zéro pollution
Un air pur, des eaux propres, des sols sains. Les produits qui nous entourent et les aliments que nous mangeons exempts de pollution chimique. Un vœu pieu ? Le projet de Green Deal vise plus qu’une amélioration de la qualité de l’environnement pour la préservation de notre santé.
« Pour la santé de nos citoyens, de nos enfants et petits-enfants, l’Europe doit évoluer vers une ambition zéro pollution. Je proposerai une stratégie transversale pour protéger la santé des citoyens de la dégradation et de la pollution de l’environnement, en abordant la qualité de l’air et de l’eau, les produits chimiques dangereux, les émissions industrielles, les pesticides et les perturbateurs endocriniens. »1
L’affirmation d’un objectif Zéro Pollution est forte et peut-être utopique mais elle donne l’espoir que le principe de précaution, prôné en théorie par les Européens mais mis à mal dans les faits, sera réaffirmé dans plusieurs dossiers (substances chimiques, OGM, perturbateurs endocriniens…). Est-on enfin en droit d’attendre une tolérance zéro pour les états, les secteurs, les lobbies qui s’arrangent avec les lois en profitant des failles des législations ou des lenteurs des processus européens ? En visant le « Zéro pollution », une des premières tâches de la Commission sera de consolider et d’appliquer correctement nombre de législations existantes (i.a. règlement REACH, la directive-cadre sur l’eau) et aussi de s’appuyer sur les évidences scientifiques, qui sont plus que des mises en garde, pour protéger le citoyen européen d’une exposition aux pollutions.
Une nouvelle impulsion pour l’économie circulaire
Enjeu prioritaire pour la nouvelle Commission, la poursuite et le renforcement de la transition vers une économie circulaire vont se concrétiser rapidement via un deuxième plan d’action2.
« Je proposerai un nouveau plan d’action pour une économie circulaire axé sur l’utilisation durable des ressources, en particulier dans les secteurs à forte intensité de ressources et à fort impact tels que le textile et la construction. »3
La Commission semble prendre la pleine mesure qu’une meilleure gestion des ressources est un élément capital dans une stratégie de lutte contre le réchauffement climatique. Selon le directeur en charge de l’économie circulaire au niveau de la DG Environnement de la Commission, le deuxième plan d’action pour l’économie circulaire pourrait délivrer la moitié des efforts de réduction des émissions de carbone4. Pour la Commission, la circularité des ressources sera une, si pas LA, voie royale pour atteindre son objectif climatique 2050. Et si l’UE a déjà pris la pleine mesure des opportunités économiques qui découlent d’une économie circulaire, le défi sera bien d’accompagner les secteurs en transition, entre autre pour rassurer ceux qui voient la circularité comme une menace pour leur business-model. Car si les principes de l’économie circulaire font l’unanimité, les moyens d’y arriver sont loin de faire consensus entre les différents stakeholders.
Un autre enjeu sera de transformer l’approche « gestion » des déchets en une logique de « prévention ». D’indéniables progrès ont été réalisés ces derniers mois au niveau de l’UE, avec des nouveaux objectifs en matière de recyclage pour certains flux ou encore de lutte contre les déchets plastiques. Mais il reste beaucoup à faire pour éviter la génération de déchets. Il s’agira notamment de fixer des objectifs contraignants : réduction du gaspillage alimentaire, plafond de production de déchets/hab., quantités de déchets réutilisés… Un autre levier important est d’étendre et de renforcer la responsabilité élargie des producteurs (REP) pour notamment améliorer l’éco-conception des produits et fixer un juste prix aux externalités que certains produits génèrent.
Du « zéro » pour la croissance ?
D’une économie plus circulaire au zéro déchet, la route est encore longue, et la Commission devra faire face à ses propres contradictions. Comment concilier économie circulaire avec l’objectif zéro-pollution alors que l’option actuelle est de réduire les seuils admissibles de substances problématiques dans les matériaux secondaires ? Comment soutenir la volonté citoyenne de se passer des emballages superflus en interdisant la vente de produits en vrac comme l’huile d’olive5 ?
Si la Commission semble s’éveiller aux aspirations citoyennes et considérer comme audible un discours environnementaliste qui peut être radical6, il reste à espérer que son ambition ne pâlisse pas à travers le prisme de la « croissance verte ».
- A Union that strives for more -My agenda for Europe by candidate for President of the European Commission Ursula von der Leyen
- Un premier Paquet économie circulaire avait été adopté fin 2015 avec quelques axes importants comme une révision de la directive Déchets et une stratégie Plastique.
- Voir 1
- Source Euractiv : L’économie circulaire sera la priorité du « Green deal » européen,
- Règlement européen sur la vente de l’huile d’olive : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=CELEX:32012R0029&rid=3
- Avec bien sûr de nombreuses nuances