En 2004, le Gouvernement wallon créait 35 nouveaux parcs d’activité, en procédant à autant de révisions de plan de secteur. C’était l’aboutissement d’un processus entamé en 2001, et conduit selon une même logique pour quasiment toutes les zones[Tout, tout, tout sur le plan prioritaire sur [le site de la DGATLP.
A noter que 33 des nouvelles zones sont issues du plan lui-même, deux autres sont issues de projets qui étaient en procédure séparément et on rejoint le « plan prioritaire » à la fin de celui-ci.]]. Le Gouvernement avait alors demandé aux intercommunales de lui faire part de leurs besoins et de leurs projets; il avait élaboré une grille de critères (socio-économiques, d’aménagement du territoire) afin de sélectionner ceux qui lui semblaient pertinents; il avait ensuite exécuté de façon synchrone les procédures de révision de plan de secteur, enchaînant les enquêtes publiques et réunions de concertation en un véritable marathon, pour aboutir, en avril 2004, à créer les nouvelles zones au plan de secteur.
Mais la création d’une zone d’activité économique ne s’arrête pas à ce stade. En vertu du décret dit « infrastructures », les intercommunales bénéficient de subventions pour acheter et équiper les zones. Elles doivent pour cela déposer un dossier auprès de l’administration de l’économie et de l’emploi. En outre, le Gouvernement précédent avait judicieusement instauré l’obligation d’élaborer, pour chacun des nouveaux parcs, un « cahier des charges urbanistique et environnemental » définissant les grandes lignes des aménagements, et complétant le dossier « infrastructures » par un volet urbanistique bien nécessaire à la qualité des aménagements. Enfin il faut procéder à l’achat des terres et aux éventuelles expropriations. Tout cela prend du temps; aussi les intercommunales de développement crient-elles déjà à la saturation de leurs zones, car elles estiment, et on peut les comprendre, qu’il vaut mieux partir à point que de tenter de faire courir un système qui n’est par nature pas fait pour cela.
Ceci pose déjà une première question, que nous garderons en mémoire: pourquoi semble-t-il acquis et même évident, en Région wallonne, que l’activité économique soit destinée à occuper toujours plus d’espace au détriment des fonctions dites « faibles – en clair de l’espace ouvert, agricole surtout?
Bref: sous la présente législature, et alors que le premier plan prioritaire n’a pas encore pleinement abouti in concreto puisque la plupart des zones sont encore en procédure[[Huit d’entre elles ont fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat. Un seul de ces recours a été tranché et s’est soldé par l’annulation du plan de secteur (Theux-Laboru). Les sept autres ne seront vraisemblablement jamais mises en oeuvre car l’issue des recours apparaît suffisamment incertaine au Gouvernement wallon pour qu’il ne prenne pas le risque d’équiper une zone dans laquelle il ne serait plus possible de délivrer les permis si les recours étaient accueillis. Ces zones sont: Nivelles, Tubize, Viesville (Pont-à-Celles), Jodoigne, Tournai, Hauts-Sarts (Liège), Vecmont (La Roche en Ardenne)]], les demandes affluent d’ores et déjà au Cabinet du Ministre Antoine. Ce dernier a donc demandé à nouveau aux intercommunales de lui faire part de leurs projets, mais cette fois il n’est plus question de logique univoque. En effet, le Ministre souhaite promouvoir d’autres procédures à côté (et autant que possible à la place) des révisions de plan de secteur.
Une première voie consiste à créer de nouvelles zones au moyen de « plans communaux d’aménagement compensatoires », en fait des plans communaux qui dérogent aux plans de secteur, portent sur d’importantes surfaces, et sont fondés comme leur nom l’indique sur un principe de compensation: en échange de la zone d’activité économique créée ici, on désaffecte là-bas une surface équivalente de zone urbanisable. De tels plans communaux sont déjà en route à Waremme, Perwez et Beauraing notamment.
Une seconde voie consiste à réoccuper des zones déjà urbanisables, via une procédure dérogatoire instaurée par décret en début de législature. Il peut s’agir de zones « bleues » (destinées au départ aux équipements communautaires et de services publics) ou « blanches » (zones d’infrastructure) dont l’implantation ne correspondrait plus aux besoins actuels. Il s’agit surtout de zones d’aménagement communal concerté, ces réserves foncières présentes dans quasiment toutes les Communes et que celles-ci peuvent mettre en oeuvre en élaborant un document d’aménagement global, le « rapport urbanistique et environnemental ».
Les intercommunales ont utilisé ces deux voies – on ignore dans quelles proportions – mais considèrent que les surfaces qu’elles offrent potentiellement sont insuffisantes par rapport à leurs besoins. Elles sollicitent donc aussi des révisions de plan de secteur et, en vertu d’une nouveauté introduite par un récent décret[[Article 42bis du CWATUP, introduit par le décret du 20 septembre 2007]], elles proposent elles-mêmes un avant-projet d’arrêté et font réaliser l’étude d’incidences.
Au total 91 projets auraient été ainsi introduits.
Nous n’avons pas eu accès jusqu’à présent à ces dossiers; mais on peut déjà proposer quelques réflexions.
La première concerne les Communes. Celles-ci auront, dans la mise en oeuvre de ce plan, un rôle important. Ce sont elles en effet qui approuvent les RUE et décident de la mise en oeuvre des ZACC; elles sont par ailleurs les maîtres d’oeuvre des plans communaux d’aménagement compensatoires. Est-ce un bien, un mal? L’avenir nous le dira, mais leur attitude pourrait bien être celle d’un certain équilibre. D’un côté subsiste, on le comprend, l’attrait du dynamisme économique et de la création d’emplois; d’un autre, les zones d’activités leurs posent des questions d’ordre financier ou politique. La voirie des zones leur est rétrocédée et elles doivent en assumer l’entretien. Or, le « plan Marshall » est venu supprimer certaines taxes communales sur les entreprises… Enfin, les futurs riverains de la zone sont autant d’électeurs… cet ensemble d’éléments devrait les pousser à faire la part des choses et à viser au moins l’aménagement le plus économe et le plus respectueux du voisinage.
Ensuite, plus fondamentalement et en amont de tout problème de localisation ou d’aménagement des zones, c’est la logique première qui pose problème, comme évoqué plus avant: pourquoi l’activité économique n’arrive-t-elle pas à se stabiliser dans l’espace? Pourquoi grignote-t-elle inexorablement des espaces agricoles qu’il est grand temps de protéger? Il y a à cela des raisons d’ordre structurel sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir. D’ores et déjà, sans prôner un équilibre statique toujours préjudiciable en termes d’aménagement – le territoire évolue avec la société -, il est grand temps de défendre un équilibre des fonctions, et surtout la fin des processus par lesquels la zone urbanisable gagne chaque année sur l’espace ouvert. Nous avions déjà tiré cette sonnette d’alarme au début du premier « plan prioritaire »… Seront nous un peu plus écoutés à l’occasion du second?