Après avoir consulté les différents acteurs concernés par l’implantation des antennes de téléphonie mobile lors d’une enquête puis d’une journée d’étude, organisées respectivement en février et octobre 2008, le ministre du développement territorial, André Antoine a adopté une circulaire relative au développement de ces réseaux sur le territoire wallon qui est entrée en vigueur le 31 janvier 2009.
Ces dispositions, bien qu’elles aillent dans le sens d’une meilleure prise en compte du principe de précaution, restent néanmoins insuffisantes, au regard du nombre croissant d’études qui mettent en avant les effets néfastes des ondes électromagnétiques sur la santé humaine et des incertitudes qui planent encore sur le sujet.
Une série de questions touchant aux normes, à la recherche scientifique, à l’aménagement du territoire, au cadre réglementaire et à l’information du public doivent faire l’objet d’une réflexion approfondie et concertée entre les différents niveaux de pouvoirs et déboucher sur la prise de mesures préventives plus audacieuses.
La norme d’exposition à 3 volts par mètre : pas de grand changement à l’horizon !
En proposant d’abaisser à 3 volts par mètre la norme d’exposition du public aux champs générés par les antennes, le Ministre Antoine se range à l’avis du Conseil supérieur de la Santé et s’aligne sur la position de la Région bruxelloise (récemment reconnue compétente par la Cour constitutionnelle pour fixer les normes d’émissions).
Bien qu’il s’agisse d’une réelle amélioration, si l’on s’en réfère à la norme actuellement en vigueur de 20.6 V/mètre, dans les faits, cela ne change pas grand-chose. En effet, dans les zones accessibles au public, le champ généré par une antenne de téléphonie mobile dépasse rarement 1V/m (2.7mW/m²)[[Santini R. et al, 2002 ; Santini R. et al, 2003 ; Navarro R. et al 2003 ; Zwamborn A. et al 2003 ; Eger et al 2004 ; Wolf R. et al 2004 ; Abdel-Rassoul G. et al 2006 ; Hutter H. et al 2006 ; Heinrich et al 2007 ; Blettner M. et al 2007 ; Adang D. 2008. — Regel S. et al 2006 ; Eltiti S. et al 2007 ; Thomas S. et al 2008. L’ensemble de ces études sont conformes aux critères de l’OMS sur le plan de la qualité scientifique, y compris les critères d’évaluation de consistance et de réplication.]] . L’adoption d’une norme à 3 V/mètre impliquera donc quelques aménagements du système par les opérateurs (surtout en zone urbaine), mais ne mettra pas véritablement en péril le fonctionnement actuel de celui-ci.
La norme à 3V/m ne vise que les effets thermiques. Or, il y a des risques biologiques à considérer dont les effets se font souvent sentir à des niveaux d’exposition inférieurs à 1V/m ! Tant que les recherches internationales ne permettent pas de déterminer de manière plus précise le niveau d’exposition le plus faible susceptible d’avoir un impact sur la santé, il faut, sur la base du principe de précaution, adopter le niveau d’exposition le plus faible recommandé par un certain nombre de scientifiques, à savoir 0,6V/m.
Nous fondons notre recommandation, en premier lieu, sur les diverses études épidémiologiques réalisées sur des riverains d’antennes un peu partout en Europe et qui sont conformes aux critères de l’OMS sur le plan de la qualité scientifique, y compris les critères d’évaluation de consistance et de réplication .
Enfin, la circulaire impose un champ maximum de 3V/m par antenne ! Chaque source est donc considérée isolément. L’exposition réelle sera dans de nombreux cas supérieure à la limite s’il y a plusieurs sources (plusieurs antennes sur un même support).
En Région bruxelloise, la norme de 3V/m est plus stricte puisqu’il s’agit une norme globale : la limite doit être partagée entre les différentes sources.
L’adoption, en région wallonne, d’une norme à 3 V/mètre par antenne, ne constitue donc pas une avancée significative dans la prise en charge des risques sanitaires potentiels.
Une amélioration de la procédure d’enquête publique. Et le reste ?
Dans sa circulaire, le Ministre propose une série de mesures visant à améliorer la procédure d’enquête publique et l’information de la population dans le cadre de celle-ci (vulgarisation du contenu des dossiers, notamment). Si ces mesures répondent à une réelle demande citoyenne, elles ne renforcent en rien la réglementation actuelle en matière d’implantation d’antennes de téléphonie mobile qui présente un certain nombre de lacunes.
– Renforcer les contrôles
Actuellement, il n’y a pas de contrôle systématique des installations sur le terrain. Dans le cadre des demandes de permis, l’ISSeP et l’IBPT ne rendent un avis technique que sur base des données transmises par les opérateurs.
Afin de vérifier la conformité des installations aux normes en vigueur, des mesures doivent être effectuées sur une durée de 24h heures, avant l’installation des antennes (mesure du rayonnement électromagnétique déjà présent au lieu d’une future implantation éventuelle d’antennes) ainsi qu’après leur mise en service (vérification systématique des installations et des puissances réellement émises)
Ceci implique de doter les organismes de contrôles (ISSeP, IBPT) de moyens suffisants pour exercer leur mission en toute indépendance.
– Le retour au permis unique
L’implantation des réseaux de téléphonie mobile est une problématique qui dépasse de loin la seule composante urbanistique. Les aspects sanitaires et environnementaux de la question doivent également être pris en compte. C’est la raison pour laquelle les antennes de téléphonie doivent être reprises dans la liste des installations soumises à permis d’environnement. La meilleure façon de considérer en même temps les aspects urbanistiques et sanitaires serait de recourir au permis unique
– Soumettre tous les projets d’installation à permis
A l’heure actuelle, l’implantation d’une antenne de téléphonie mobile n’équivaut pas automatiquement à permis d’urbanisme. Le remplacement d’une antenne pour cause d’usure ou en raison de l’évolution des technologies, voire la pause d’antennes à l’intérieur de bâtiments existants (camouflage), ne nécessitent pas de permis.
Antennes et aménagement du territoire : pas de vision globale au niveau régional.
La plupart de communes ne disposent pas d’une vision claire du nombre d’antennes implantées sur leur territoire. L’évolution permanente du réseau (nombre et situation des relais) rend difficile la possibilité d’avoir une vue générale de celui-ci à moyen terme.
La circulaire prévoit la réalisation, par les villes et communes en collaboration avec l’ISSep et la Région, de cartes de localisation des antennes et de cadastres des émissions. Ces outils seront réalisés sur base des données reprises dans les demandes de permis d’urbanisme. Ce qui signifie que les antennes qui ne font pas l’objet de permis n’y seront pas répertoriées. Or cet outil ne sera réellement pertinent que s’il reprend l’ensemble des installations présentes sur un territoire donné, qu’elles soient camouflées ou pas.